Le bonheur n’est en fait qu’un état de conscience

Il y a fort longtemps dans un pays d’orient,
Un « ouléma », docteur de la loi musulmane,
Nasreddine Hodja, fut très réputé ayant
Trouvé pour tous les cas des solutions idoines.
Or à ce religieux, un jour, un paysan
De son pauvre logis vient se plaindre en ces termes :
« Maître si vous saviez comme il est déplaisant
De vivre ainsi serrés dans notre vieille ferme ! »
« Deux minuscules pièces où il fait sombre et froid,
Des courants d’air passant sous les portes et fenêtres,
De la pluie s’égouttant des nombreux trous du toit,
Telle est la masure laissée par mes ancêtres !
Il est bien dur de vivre en un endroit pareil !
Respectueusement, Maître, je vous implore :
Pourriez-vous nous donner un avis, un conseil
Qui permette qu’enfin notre vie s’améliore ? »
« Je vois- dit l’oulema – : oui, je peux vous aider
Mais à condition que sur l’honneur tu t’engages
A bien faire tout ce que j’aurai décidé ! »
Le fermier bien sûr donne son accord au sage.
« Combien de personnes vivent sous votre toit ? »
S’enquiert Nasreddine. « C’est très simple, pour l’heure,
Nous ne sommes que deux, ma bonne femme et moi.
Mes enfants ont grandi et quitté la demeure. »
« Prenez donc vos poules, vos oies et vos oisons
Qui, dans la basse-cour, gambadent et cancanent
Et installez-les bien, chez vous, à la maison ;
Elles y seront mieux que dans leur pauvre cabane. »
Puis le sage laisse le fermier ahuri
Dont les épais sourcils d’étonnement se froncent
Se demandant vraiment s’il avait bien compris
Ce que signifiait cette curieuse réponse.
Surpris mais tenu de respecter cet avis,
Le couple de paysans met en conséquence
Toute leur basse-cour au milieu du logis,
Et de suite ressent une vraie différence !
L’agriculteur rencontre une nouvelle fois
Au bout de quelques jours le sage philosophe
S’informant des progrès du confort sous son toit.
« C’est bien pire qu’avant, c’est une catastrophe ! »
Lui dit le bon fermier d’un air bien accablé.
« Oui, bien sûr, je comprends lui dit alors le sage ;
Prenez aussi chez vous cochons et porcelets
Je pense qu’avec les poules ils feront bon ménage. »
A bout de quelques jours, ils se croisent à nouveau
Le pauvre paysan de nouveau se lamente.
« N’avez-vous pas aussi deux chèvres et un chevreau ?
Il vous reste pour sûr quelque place vacante »
Suggère Nasreddine au malheureux fermier
Ne comprenant rien à ces idées incongrues,
Regrettant à cet homme de s’être confié.
Un peu de temps passa sans nouvelle entrevue.
Puis un jour de moisson, le paysan aux blés
Vois le sage arriver qui s’approche et l’appelle
« Comment va, mon ami, je voulais vous parler ;
Vous demander surtout quelles sont les nouvelles. »
Parlant de la moisson, de la pluie, du soleil,
Méfiant, le paysan, en commençant à craindre
Que Nasreddine lui donne d’autres conseils,
Reste vague et surtout évite de se plaindre.
« Et dans votre logis ? » s’enquiert le visiteur
« Effroyable ! Mais, que voulez-vous, il faut faire
Vraiment contre mauvaise fortune bon cœur.»
Dit le fermier. « Bon, je vois et je vous suggère
D’enlever vos chèvres ; envoyez-les au pré.
Votre situation sera moins compliquée. »
Le paysan sourit et s’entend déclarer :
« Nous serons certes mieux ; merci pour votre idée ! »
Le sage, un autre jour, lui reparle des porcs.
« Je crains qu’ils ne produisent une ambiance malsaine
Au sein de la maison ; mettez-les donc dehors. »
Content, le paysan, dans la soue les ramène.
Puis, retrouvant le sage une nouvelle fois,
« Grâce à vous peu à peu notre vie s’améliore »
Lui dit-il. « Vous sentez-vous encore à l’étroit ?
Sortez le poulailler, vous serez mieux encore. »
Enfin les bons fermiers en leur humble logis,
Force remerciements à Nasreddine adressent :
« C’est magique ! On dirait les murs comme élargis !
Grâce à vous nous vivons enfin dans l’allégresse ! »

Ce conte est un peu sot mais il montre à quel point
L’impression de bonheur, selon les circonstances,
Est très relative ; nous en sommes témoins.
Le bonheur n’est en fait qu’un état de conscience.

Il nous appartient donc d’élargir toujours plus
Le champ de la conscience et atteindre les cimes,
Pour accéder au beau, au grand, à l’absolu
Dans la félicité et dans la vie sublime.

                                       Avril 2024