Ce jour-là, Nastradine attendait un ami.
Ils avaient rendez-vous à l’entrée de la ville,
A la poterne sud, près du souk donc parmi
Les allées et venues, l’agitation fébrile
Qui règne en général aux portes des cités.
De la foule animée au parler volubile
Soudain un homme sort et vient se présenter :
« C’est la première fois que j’entre en cette ville ;
Pourriez-vous, Effendi, dit-il en hésitant,
Vous qui êtes un sage ; oh si ! Je le devine,
Me dire comment sont ses nombreux habitants.»
« Et comment étaient ceux répondit Nastradine
De la ville éloignée d’où tu viens, Voyageur ? »
« Egoïstes – dit l’autre – et très désagréables !
Et je suis bien content de les quitter d’ailleurs
Car ma vie parmi eux était insupportable !»
« Hélas tu trouveras les mêmes gens ici ;
Car c’est partout pareil, lui répond notre sage. »
L’homme s’éloigne alors perplexe et indécis.
Plus tard un tout jeune homme encombré de bagages,
Auprès de Nastradine avec civilité
Vient faire exactement cette même requête.
« Et comment sont donc ceux que tu viens de quitter ? »
Demande ce dernier, fidèle à son enquête.
« Bons, aimables, accueillants, j’y comptais des amis !
Et c’est avec regret que j’ai quitté ma ville. »
« Hé bien, tu trouveras les mêmes gens ici. »
Le jeune remercie de façon très civile,
Puis se dirige vers le cœur de la cité
En traînant avec lui besaces et sacoches.
Or, à peine un instant après qu’il l’eut quitté,
Nastradine voit qu’un troisième homme s’approche.
Ce marchand, malgré lui, avait tout entendu :
« A la même question par deux hommes posée
– Voilà bien, par Allah, qui est inattendu ! –
Tu réponds de façon tout à fait opposée !? »
Notre sage réplique à son contradicteur :
« Pourtant, tu es témoin, j’ai répondu de même
A la question posée par nos deux visiteurs.
Chacun de nous porte tout son monde en lui-même
Et, bien que cela puisse nous paraître étrange,
On ne voit qu’au travers de ses yeux intérieurs.
Dès qu’on ouvre son cœur tout de suite l’on change
Son regard sur les autres et le monde extérieur. »
Arnaud Jonquet juillet 2017
à ajouter dans le livre de référence… pour des spectacles futurs.
Merci Arnaud de nous faire voyager…
Ouvrons donc les yeux du coeur!