La légende de Saint Christophe

 

St Christophe

La légende conte qu’en de très anciens temps
Au pays Chanaan, qu’on appelle Judée,
Un colosse issu de la race des titans,
Car sa taille atteignait plus de douze coudées,
Vivait dans ce pays, inspirant la frayeur.

Son aspect farouche, son allure terrible,
Sa carrure évoquaient, ainsi que sa hauteur,
Le sinistre Goliath que mentionne la Bible.
C’était un homme frustre et un peu innocent
Qui n’avait qu’un seul but sous sa rugueuse écorce :
Servir en ce monde l’homme le plus puissant
Car il était toujours fasciné par la force !

A travers le pays il se mit à chercher
Un être ayant atteint la plus haute puissance
Afin qu’à son service il puisse s’attacher
Et exercer pour lui sa force et sa vaillance.
Il s’était enrôlé dans la garde du roi
Et, comme il surveillait ses moindres faits et gestes,
Il remarqua bientôt le surprenant effroi
Qui s’emparait de lui en certain lieu funeste.

Le monarque jamais ne voulait emprunter,
Même escorté de ses soldats en très grand nombre,
Un chemin qui menait à travers des rochers
Au seuil mystérieux d’un défilé très sombre.
S’informant alentour sur ce fait bien curieux,
Il apprend d’un soldat que ce roi redoutable,
A ses yeux le champion de loin le plus glorieux,
Craignait terriblement d’y rencontrer le diable !

Le colosse, étonné, rapidement comprit,
Car il était madré malgré son innocence,
Quitta vite le roi et voulut à tout prix
Rencontrer ce démon d’une telle puissance.
Il ne le trouva point au sombre défilé
Ni dans les alentours qu’il parcourait sans cesse.
Un soir il voit au loin une flamme brûler,
Enfourche son cheval, vers ce brasier s’empresse,
Et rencontre soudain des cavaliers de feu,
Des démons menaçants, grimaçants et horribles.

« C’est moi que tu cherches ; rejoins-nous si tu veux ! »
Lui crie alors leur chef et d’une voix terrible !
Voilà donc le géant prestement enrôlé
Au sein de cette troupe hideuse et infernale.
Et pendant quelque temps, ce serviteur zélé,
Consacre au crime sa force phénoménale.
Jusqu’au jour où il voit, à l’orée d’un grand bois,
Le diable tout à coup, à sa grande surprise,
Faire demi-tour pour éviter une croix.
Etonné qu’un tel signe ainsi le terrorise,
Notre héros conclut, une nouvelle fois,
Qu’il a été trompé et n’est pas au service
De celui qu’il croyait le plus puissant des rois !

Il quitta donc le diable et sa sombre milice.
Ayant ensuite appris auprès d’un religieux
La signification de ce symbole étrange,
Il se mit à chercher Jésus, le fils de Dieu,
Gouverneur des hommes, des démons et des anges.
Sillonnant la contrée et par monts et par vaux,
De village en village, à travers la campagne,
Le géant parcourut sur de puissants chevaux
Le pays Chanaan jusque dans la montagne,
Jusque dans le désert mais il chercha en vain.

Après bien des années, il mit, de guerre lasse,
Un terme à ses recherches et au pays revint.
Au bord d’un large fleuve il trouva une place
Et s’établit ainsi comme un humble passeur,
Chargeant gratuitement sur son dos fort et large
A travers le courant colis et voyageurs.
Aidé d’un seul bâton, malgré de lourdes charges,
Même par mauvais temps il franchissait à pied
Le fleuve qui roulait des eaux tumultueuses.
Par cet humble service, il voulait expier
Des crimes commis lors de sa conduite odieuse.
Des années ont coulé comme du fleuve l’eau,
Quand un soir où le vent mugissait en tempête,
Il crut ouïr au-dehors d’un enfant les sanglots.

Étonné, il se lève et sort de sa retraite,
Et, dans un éclair de l’orage tonnant, voit
Un bambin seul, debout, qui pleure sur la rive.
Interrogé, l’enfant, cependant reste coi,
Désignant l’autre bord de façon expressive.
Subjugué, le passeur le charge sur son dos
Et entreprend alors la large traversée.

Mais le vent et la pluie ayant gonflé les flots,
Il peine à résister au courant d’eau glacée.
A mesure qu’il avance, il lui semble toujours
Que le poids du petit à chaque pas augmente.
« Mon enfant, lui dit-il, comme tu deviens lourd ! »
Sans réponse, il poursuit sa marche exténuante.
Échappant à grand peine à la force des eaux,
Il atteint, épuisé, l’autre bord de justesse,
Escalade la berge, et, glacé jusqu’aux os,
Met un genou au sol puis doucement s’abaisse
Pour déposer l’enfant accroché à son cou.

« Mais dis-moi quel est donc cet étrange mystère ?
Comment se fait-il que – lui crie-t-il tout à coup –
Je t’ai senti sur moi aussi lourd que la terre ? »
Tout était sombre alors et la profonde nuit
Sur toute chose avait déployé son grand voile,
Il ne voyait donc plus qui était près de lui
Et entendit alors une voix magistrale :

« Je suis Jésus que tu as si longtemps cherché !
Si tu m’as trouvé lourd quand tu traversais l’onde
C’est à cause du poids écrasant des péchés,
Car je porte avec moi tous les péchés du monde !

Tu as expié tous tes crimes d’assassin.
Du nom Christophoros, ici je te baptise,
Toi, le porteur du Christ, seras, parmi les saints,
Pour toujours révéré dans toutes mes églises. »

Arnaud Jonquet  octobre 2013

 

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