Dans les anciens recueils, j’aime à lire souvent
Les beaux poèmes écrits par les illustres maîtres
Et les relire encor, puis, – comme vous peut-être ? –
Refermer le livre en rêvant.
Mais quelle nostalgie dans ces jolis quatrains !
Ces vers ont le parfum de la mélancolie,
Une obscure langueur à laquelle s’allie
Une nuance de chagrin.
Pourtant, la grande inspiration depuis toujours,
Le thème favori sur lequel on compose
Avec prédilection, le sujet qui s’impose,
N’est-il pas celui de l’amour ?
Mais quel amour, pardon, de soupirs et de pleurs !
De plaintes, de regrets, de fatales promesses,
De spleen et de remords ou d’infinie tristesse,
De désespoir et de rancœur !
Nous vous imaginons, poètes émouvants,
Solitaires et marchant sous un ciel noir d’orage,
Le visage blafard que des larmes ravagent,
Hagards et les cheveux au vent.
Mais pourquoi composer en ces tristes moments ?
Dans le drame et les pleurs faire vos confidences ?
Et sur tous vos lecteurs déverser vos souffrances,
Les accabler de vos tourments ?
Et ne me dites pas : « Ce qui compte d’abord,
Ce sont les mots choisis, le style, la manière, … »
Le fond prime la forme et non pas le contraire,
Gageons que vous serez d’accord.
Certains de vos poèmes, il est vrai, sont parfaits,
Mais nous font croire à tort cette chose terrible,
Que tout amour heureux est vraiment impossible,
Nous laissant tristes et défaits.
D’un sentiment sacré, n’avez-vous pas médit ?
Trop rares sont vos pages aux idylles radieuses,
Aux mariages parfaits et aux passions heureuses
Dont l’amour sorte enfin grandi.
Cherchons alors plus haut ! Nous ne devons jamais
Des cœurs pleins d’idéal diminuer la flamme !
La mission du poète est d’élever les âmes,
De les hisser jusqu’aux sommets !
Celui dont nous parlons est l’amour supérieur :
Quand vous savez aimer sans vouloir qu’on vous aime.
Ce grain fera lever, si patiemment l’on sème,
Les récoltes du vrai bonheur.
Au véritable amour réservons donc nos vers ;
Celui qui dans nos cœurs verse une joie profonde,
Cette force absolue qui a créé les mondes
Et fait tourner les univers.
Arnaud Jonquet mai 2006