Nous voici arrivés aux portes de l’orient
Dans une ville unique au visage riant,
Gracieuse et fragile, posée sur l’eau telle
Une fleur de lotus aux teintes irréelles.
Voyez cette cité au soleil resplendir,
Jetant des rayons d’or, de rubis, de saphir
Aux reflets des canaux, fabuleuse nymphée ;
On la croirait sortie d’un beau conte de fées !
Voyez sur le miroir des eaux du grand canal
Tous ces bateaux voguer du port à l’arsenal ;
Admirez les gondoles aux coques élégantes
Comme des cygnes noirs, qui glissent, nonchalantes,
Ces demeures altières aux doux tons de pastel
Se pressant sur les quais. Maisons, palais, hôtels,
Ponts, places et canaux, campaniles et églises,
Forment la mosaïque inouïe de Venise !
Regardez ces ruelles, ces quais, ces canaux,
De gondoles encombrés, de barques, de canots,
Ces ponts, ces escaliers qui forment un labyrinthe,
Un dédale plus fou que celui de Tyrinthe.
Demeures et palais aux murs jaunes ou rosés
Paraissent bien souvent drôlement disposés ;
Ont-ils été placés par dame fantaisie
Pour que le charme rime avec la poésie ?
On aperçoit parfois, dans la trouée d’un mur,
La douceur d’un jardin grand ouvert sur l’azur :
Des arbres et un vieux puits, entourés de pelouse
Que, fidèle, défend une grille jalouse.
Enfin voici le cœur, cette place Saint-Marc,
L’immense basilique, ses voûtes et ses arcs
Et la sobre beauté du grand palais des Doges
Que gardent les colonnes et la tour de l’horloge.
Saint-Marc, la basilique au style luxuriant,
Toute de marbre et d’or ! C’est déjà l’orient
Qui jouxte l’occident et sa ligne gothique ;
C’est Byzance avancée aux bords adriatiques !
Et là, sur ce quai, sous l’œil terrible du lion,
Marco Polo s’embarque avec tous ses galions,
Portant jusqu’aux confins la gloire maritime
De la République dite Sérénissime !
Colorée, féerique ainsi qu’un Tiepolo,
Tu es, cité fragile, un mirage sur l’eau !
Combien de siècles ont pu voir ta beauté sublime
Défier de la mer les perfides abîmes ?
Et l’eau qui te cerne, ton plus bel ornement,
Par la lumière devient rivière de diamants ;
Comme toutes les belles, tu te mires dans l’onde
Mais c’est sous ce miroir que la menace gronde…
Toi qui a repoussé conquérants et fléaux,
Puisse-tu résister aux attaques de l’eau
Et, bijou, resplendir toujours sur la lagune,
C’est la prière que j’adresse au dieu Neptune !
Arnaud Jonquet mai 2005