Dans l’écrin verdoyant d’ancestrales forêts
De pins, d’épicéas, de hêtres séculaires,
Que l’homme a su garder vierges et solitaires,
Où se cachent encore dans leurs gîtes secrets,
Le lynx, le loup et l’ours, le seigneur de ces terres,
Se trouve un vrai bijou, royaume extraordinaire,
Chef-d’œuvre naturel parmi les plus sacrés.
On découvre là-bas, aux bords adriatiques,
Bien cachées parmi les monts boisés des Balkans,
Pas moins de seize lacs au soleil miroitants !
Tous reliés en une enfilade magique,
Pure et fabuleuse rivière de diamants,
Comme une vaste fontaine à débordements,
Ils forment un ensemble vraiment magnifique !
Douze lacs supérieurs puis quatre autres inférieurs,
Chacun alimentant celui qui lui fait suite,
Grondent en se déversant, en bouillantes marmites,
Et forment des chutes d’une absolue splendeur.
Là quatre-vingt-douze cascades précipitent
Leurs eaux écumantes qui trépident et palpitent
S’agitent et se bousculent en remous batailleurs.
Grand spectacle de l’eau, force de la nature !
Le torrent jaillissant comme un puissant typhon
Lance ses flots rapides dans des bassins profonds
Où le flux frémissant recherche une ouverture
Comme en de vastes foudres emplis de gros bouillons,
Et puis se dégageant des épais tourbillons,
Il fuse en trombe vers la prochaine embouchure.
L’atmosphère est pleine de fine vapeur d’eau
Suspendue dans l’air vif, pétillant que l’on hume.
Autour des cascades, dans une aura de brume,
Des arcs-en ciel brillent par moments sur les flots.
Des chutes s’envolent, légères comme plumes,
Des mousses vaporeuses échappées de l’écume
Flottant dans le soleil, entourées d’un halo.
Inclinant vers les lacs leur longue chevelure,
Les cascades s’étalent en éventails gracieux
Dans des vasques immenses qui reflètent les cieux
Et la végétation d’une fière nature.
Des nuances infinies viennent étonner nos yeux ;
Des dégradés de bleus et verts en camaïeu,
Telle une exubérante et splendide peinture.
De l’azur céleste aux turquoises des lagons,
De l’émeraude au jade ou bien à la chartreuse,
Ces lacs semblent un collier plein de pierres précieuses
Comme en portaient les prêtres au temps des pharaons.
Jamais roi n’égala en fête fastueuse
Pareille féérie sublime et merveilleuse
A la gloire absolue du dieu Poséidon.
Le site est dominé par le bruit formidable,
Puissant, omniprésent, des eaux en mouvement.
Du fleuve il monte un terrible grondement
Qui semble la clameur d’une troupe de diables
Dansant la sarabande en un chaudron ardent !
Tous les torrents mugissent et s’écoulent en tonnant
Couvrant tous les bruits de leur fracas redoutable.
En ce lieu enchanté, on s’attend presque à voir
Au milieu des bassins, des rochers, des cascades,
Jouant parmi les flots des nymphes et des naïades
Qui s’admirent dans l’eau, penchées sur son miroir,
Ou bien ces sirènes qui chantaient leur aubade
Aux voyageurs perdus au vieux temps de l’Iliade
Quand Ulysse voguait au milieu du brouillard.
Toute une faune vit alentour de ces ondes.
Sous la surface bleue fourmillent des poissons
Et au-dessus, traçant d’amples ondulations,
Se baignent les canards qui en ces lieux abondent.
Grenouilles et salamandres y grouillent par légions,
Des oiseaux par milliers, des mésanges aux alcyons,
Viennent nicher autour de ces rives fécondes.
Ô lacs de Plitvice, sanctuaire de l’eau !
Spectacle prodigieux et vivante aquarelle,
Remercions ardemment notre Mère éternelle
D’avoir ainsi créé un semblable joyau !
Vision de paradis, fantastique, irréelle,
Que toujours vos ruisseaux d’une blanche dentelle
Purifient tous nos cœurs sur vos fonds baptismaux !
Arnaud Jonquet septembre 2015
* Les 16 lacs de Plitvice (prononcer Plitviché) se trouvent dans un parc naturel de Croatie, a mi chemin entre Zagreb et Zadar.