« Le vieillard, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants »
Booz endormi Victor Hugo
A peine a-t-on humé les floraisons nouvelles
Du ravissant printemps qui aux bois nous appelle,
A peine les oiseaux, égayant les buissons,
Ont charmé nos oreilles en une aubade exquise
Que l’été vient déjà, de sa brûlante emprise,
Faire mûrir les blés des futures moissons.
Le temps file, les jours volent, les heures sonnent ;
Voici bientôt les feux mordorés de l’automne
Dont les rouges et les ambres ont succédé au vert ;
Son vent fantasque et vif emporte les feuillages
Comme au calendrier s’envole chaque page
Et l’automne à son tour s’enfuit devant l’hiver.
Ne nous semble-t-il pas, lorsqu’on avance en âge,
Qu’elles passent plus vite ces saisons volages ?
Leurs couleurs, leurs parfums, dans le cycle annuel
Se suivent en ribambelle en une immense ronde
Tournant rapidement autour du vaste monde
Comme la féerie d’un ample carrousel !
Éprouvez-vous aussi, tel un trouble fugace,
Le vertige donné par tout ce temps qui passe ?
Qui n’a jamais rêvé, aux saisons des amours,
Alors que l’on voudrait que l’euphorie demeure,
De freiner quelque peu cette course des heures,
Ou bien de la hâter lors des plus tristes jours ?
Autour de son soleil notre planète danse
Soumettant toute chose aux lois de l’alternance,
Au cycle des saisons, du jour et de la nuit.
Notre destin changeant connaît de ces contrastes
Qui voit de sombres jours suivis de journées fastes,
Ténébreux soirs chassés par les clairs aujourd’hui.
Entendez-vous parfois, au profond de vous-mêmes,
Comme un lointain appel vers une vie suprême
Aspirant à la paix, au temps illimité,
Au bonheur infini, à la joie sans mélange,
A l’extase absolue, cette ambroisie des anges
Vivants purs et radieux dans la félicité ?
Subtile mélopée d’une douceur intense
Et perçue seulement dans le plus grand silence;
Nostalgique complainte ainsi qu’au temps des rois
On entendait parfois depuis sa meurtrière,
Du vieux château chanter la belle prisonnière,
La princesse cloîtrée tout en haut du beffroi.
Ce murmure enchanteur, cette ondoyante flamme
Qui s’éloigne et revient, c’est le chant de notre âme
Nous parlant des éthers, de l’éternel été,
De la vie hors du temps et de toute matière
S’épanouissant parmi les grands champs de lumière,
De l’espace infini et de l’éternité.
Elle nous chante l’Éden, le temps de l’abondance,
Quand l’homme au paradis vivait dans l’innocence,
Du royaume aboli qui reviendra encor,
D’ une époque à venir qu’on attend et espère
Où les hommes assagis vivront enfin en frères
Entre amour et lumière un nouvel âge d’or.
AJ février 2023
Espérance d’un éternel printemps, voilà sans doute ce que demande notre Âme!