Il vogua dix-sept jours sur une mer unie
Selon l’indication que lui avait fournie
La belle Calypso. Il avait presque atteint
Son lointain objectif, l’île des Phéaciens,
Quand le vent amena aux cieux pleins de nuages
Et que se déclencha un formidable orage !
Une nouvelle fois le dieu Poséidon,
Qui ne lui accorda jamais aucun pardon,
Lançait contre Ulysse une nouvelle attaque
En déchainant la mer contre le roi d’Ithaque !
Lors les assauts furieux de la foudre et du vent
Ajoutés aux poussées des flots forts et mouvants
Au bout de quelques minutes démantelèrent
Les poutres et le gréement de ce radeau précaire.
Quand l’ultime lame dispersa le radeau,
Ulysse disparut dans le gouffre des flots !
Une nouvelle fois victime d’un naufrage,
Il lui fallut deux jours pour atteindre à la nage
La côte de l’île qu’il voulait aborder.
Épuisé, accablé et presque dénudé,
L’infortuné Ulysse, le fils de Laërte,
Craignant d’être échoué sur une île déserte,
Se fit un lit de feuilles au sein d’épais taillis
A dessein de nuiter dans ce fragile abri.
Le dormeur au matin fut tiré de ses rêves
Par des éclats de voix qui venaient de la grève
Où des jeunes femmes s’amusaient et riaient.
N’osant pas se montrer, Ulysse les épiait
Puis finalement mit tout autour de ses hanches
Un genre de pagne formé de quelques branches,
Se leva peu à peu et puis se mit debout.
Chez les filles sa vue créa quelques remous ;
La plupart d’entre elles, effarouchées, s’enfuirent
Croyant voir brusquement apparaitre un satyre.
Une seule pourtant conserva son sang-froid
Devinant de l’homme le profond désarroi
Et, fort calme et pleine de grande bienveillance,
Attendit que l’intrus justifie sa présence.
Ulysse raconta son voyage en radeau,
Le violent naufrage, sa chute dans les flots,
Sa survie au prix de son épuisante nage,
Son arrivée sur l’île et sa nuit sur la plage,
Expliquant qu’il cherchait à voir son souverain
Du nom d’Alcinoos, le roi des Phéaciens.
La vierge, à ces mots, rappela ses suivantes
Et, parlant au héros, déclara, souriante, :
« Sois donc le bienvenu, ô toi, noble étranger,
Nous accueillons dans l’île tous les naufragés
Donnez-lui des tissus afin qu’il s’en revête,
Et, pour se restaurer, de l’eau et des galettes.
Le sort a donc voulu que tu t’adresses à moi ;
Je suis Nausicaa, fille unique du roi,
Le brave Alcinoos, souverain de cette île,
Et je te conduirai jusqu’à son domicile
Puisqu’il est justement le plus sage des siens,
Le vaillant peuple des valeureux Phéaciens. »
Ulysse restauré, la charmante princesse,
Avec ses suivantes honora sa promesse
De partir avec lui pour faire sans délai
En marchant le chemin qui menait au palais.
Lorsqu’il fut introduit dans le bel édifice,
Et présenté à la souveraine, Ulysse,
Salua cette altesse et, avançant d’un pas,
Selon le conseil donné par Nausicaa,
– Sa mère, disait-elle, étant très charitable-,
Franchit la distance qui semblait respectable,
Fit sa révérence puis tomba à ses pieds.
La reine et puis le roi, le prenant en pitié,
Partagèrent avec lui toute leur bonne chère
Et, après le repas, tous deux lui demandèrent
De leur dire son nom et de leur raconter
Sa vie et ses malheurs et ce qu’il souhaitait.
Le fils de Laërte, à la noble figure,
Leur fit le récit de ses tristes aventures
Et leur dit que son but et unique désir
Était parmi les siens de pouvoir revenir
Mais, qu’étant dépourvu de nef et d’équipage,
Il ne pouvait tout seul atteindre son rivage.
A ces mots, Alcinoos, ému par son récit :
« Noble roi d’Ithaque, n’aies plus aucun souci !
Tout ce tu contais, avec grande éloquence,
Ilion conquise grâce à ton intelligence,
Tes exploits, tes victoires et puis tous tes malheurs
M’exaltent mais aussi viennent émouvoir mon cœur !
Mais tes tribulations vont toucher à leur fin !
Je vais donner des ordres afin que, dès demain,
Un équipage sûr prépare une galère
Qui t’amènera vite au pays de tes pères. »
Et quand au lendemain arriva le moment
Des congratulations et des remerciements
Qui furent prodigués par le vaillant Ulysse
Aux royaux époux et sa jolie protectrice,
Avant de les quitter, le héros salua
Les souverains et la douce Nausicaa,
Laquelle avec le cœur rempli de nostalgie
Vit Ulysse partir au loin vers sa patrie.
La traversée se fit sur de tranquilles flots,
Les marins Phéaciens, dont c’était le vaisseau,
Et qui le pilotaient d’une manière experte,
De ce fait permirent donc au fils de Laërte
De se laisser mener et prendre un bon repos.
Et lorsqu’au bord d’Ithaque accosta le bateau,
Prenant Ulysse endormi, ils le déposèrent
Délicatement sur une couche par terre
Puis reprenant la mer, les marins Phéaciens
Repartirent vers l’île où vivaient leurs anciens.
à suivre
Une pause romantique qui augure de nouvelles aventures