Ulysse dormit peu auprès de ce rivage ;
Il se leva et, sans attendre davantage,
Emprunta un chemin qui menait au palais.
Il voulait tout d’abord voir un de ses valets,
Un dénommé Eumée, homme dur à la peine
Qui depuis fort longtemps travaillait au domaine.
Mais avant d’arriver à son humble maison,
Ulysse en chemin eut une brusque vision.
Sous les traits d’un berger, Athéna, la déesse,
Conseilla au héros, dans sa grande sagesse,
De ne pas se montrer et de rester prudent,
Evitant de donner l’éveil aux prétendants,
Et changea, pour l’aider, sa splendide apparence
En un vieillard chenu d’une grande indigence
Portant une besace et un manteau troué.
Le roi, en cherchant son serviteur dévoué,
Espérait qu’il était encore à son service
Car l’homme, qui toujours idolâtrait Ulysse,
Avait vu ce jeune prince naître autrefois.
Mais, ainsi trompé par l’apparence du roi,
Eumée accueillit ce vieillard sans reconnaitre
Sous ces guenilles les nobles traits de son maître
Et dans sa chaumière l’invita à entrer
Pour charitablement lui donner à manger.
Son hôte lui parla d’une façon habile
Le questionnant au sujet du roi de cette île.
Eumée lui fit alors un discours éperdu
A propos de son roi qu’on n’avait pas revu,
Lui, le stratège qui prit Troie avec audace ;
Et de ces prétendants voulant prendre sa place,
Leur vil comportement au sein de son palais,
Importunant la reine, ordonnant aux valets ;
Le voyage en Grèce de son fils Télémaque
– Devant ce soir même revenir à Ithaque –
Parti interroger Ménélas et Nestor
Qui peut-être savaient de son père le sort.
Alors qu’il écoutait d’Eumée le témoignage,
Ulysse, dans son cœur, sentit monter la rage
Contre ces prétendants, qu’avec l’aide des Dieux,
Il châtierait bientôt pour tous leurs crimes odieux.
Soudain il ressentit une émotion très forte
Lorsque, se présentant sur le seuil de la porte,
Un être jeune et fort dans la pièce apparut.
La voix du sang parlant, Ulysse reconnut
Son fils Télémaque, grandi et embelli
Devenu maintenant cet homme accompli.
Pourtant le fils ne put reconnaître son père
Bien dissimulé sous les traits d’un pauvre hère.
Eumée le présenta comme un vieil étranger
Que le temps d’un repas il avait hébergé.
Les saluts échangés, Télémaque à Eumée
Demande d’aller voir sa mère bien-aimée,
Pénélope, au palais afin de l’informer
Secrètement de son retour sans alarmer
Les lâches prétendants qui tramaient une attaque
Contre lui, le jeune mais gênant Télémaque.
Eumée sorti, le roi, qu’Athéna inspira,
Voulant se faire connaître à son fils, retira
Ses vieux oripeaux et, changeant son apparence,
Athéna lui rendit sa splendide prestance.
Télémaque, étonné, hésita un instant
Mais cet homme lui dit : « C’est n’est pas un mendiant
Qui est devant toi mais, tu le vois bien toi-même,
C’est Ulysse, ton père qui t’embrasse et qui t’aime !
Après vingt ans, mon fils, me voilà de retour !
Je te dirai plus tard les insensés détours,
Et les mille dangers qu’il m’a fallu combattre
Et qui m’ont demandé un courage opiniâtre ;
Pour l’heure, mon retour doit rester bien secret
Du fait des prétendants. Dans l’ombre tiens-toi prêt,
N’en parle à personne, même pas à ta mère,
Pénélope, pouvant, d’un mot involontaire,
Compromettre le plan que j’ai imaginé.
Il faut que personne ne puisse deviner
Qu’Ulysse est revenu. Garde bien le silence,
Car il n’est plus très loin le temps de la vengeance !
Va maintenant, mon fils et retourne au palais
Ce soir et agit comme si de rien n’était.
Tu reviens de Sparte, va visiter ta mère ;
Je te dirai bientôt ce que tu devras faire. »
à suivre
Quel suspense !