L’Odyssée 16/20 Les prétendants

Télémaque partit dans la douceur du soir
Le cœur presque éclatant de bonheur et d’espoir,
Puis grâce à Athéna, divinité complice,
A nouveau le mendiant dissimula Ulysse
Qui partit sur les pas du fils et du valet
Dans la nuit profonde en direction du palais.
Des jardins déjà l’on percevait la musique
De la fête battant son plein sous le portique
Et l’on pouvait sentir de loin en s’approchant
Des viandes et des vins les capiteux relents.
Dans le but d’obtenir peut-être quelques restes,
Le mendiant s’approcha d’une façon modeste
Puis, sur une marche, il s’assit en retrait
Non loin des prétendants réunis en banquet.
Télémaque, ayant fait signe à une servante
Qui offrit au vieil homme une viande odorante,
En semblant le traiter comme un hôte de choix,
S’adressa au vieillard ainsi à haute voix :
« Mange étranger, et puis demande à ces seigneurs
Quelque aumône car ils ont sûrement bon cœur. »
Après avoir mangé, le fils de Laërte
Fit le tour de la table avec sa main ouverte.
Certains donnèrent, émus par son dénuement,
Par contre Antinoos l’insulta violemment :
« Ecarte-toi, pouilleux importun, de ma table,
Disparais de ma vue, vagabond misérable ! »
Ulysse, lui lançant un regard très profond
Ne répondit rien et supporta cet affront.

Alors qu’il retournait humblement à sa place,
Nourrissant contre lui une haine tenace,
Sur le seuil se présenta un second mendiant
Ayant ses habitudes auprès des prétendants.
Connu comme un vantard et un poltron sur l’île,
A Ulysse il cria, brandissant sa sébile :
« Sors donc d’ici, vieillard ! Misérable étranger
Qui cherche à dérober le boire et le manger
Que me réservent ces aimables seigneuries !
Sors, cria-t-il, ou bien tes côtes amaigries
Et tes dents casseront sous la pluie de mes coups ! »
« Malheureux, je ne vole céans rien du tout
– Dit Ulysse -, je ne fais de tort à personne
En recevant les aumônes que l’on me donne ;
Cesse donc de crier et de me menacer !
Quoique vieux, je pourrai aisément te casser
Quelques os ! » Toute l’assemblée se mit à rire
« Ces deux là, dirait-on, ne pensent qu’à s’occire !
– Dit Antinoos – Est-ce un cadeau que les Dieux
Nous envoient afin de nous divertir un peu ?
Faisons-les donc combattre ainsi que dans l’arène
Et que le vainqueur de cette lutte devienne
Désormais le seul homme admis à nos festins ! »
L’assemblée applaudit avec un grand entrain.
Ulysse retroussa un peu ses vieilles hardes
Et, face à son adversaire, se mit en garde.
Or, Iros le mendiant, cherchant à s’esquiver,
Fut remis en face de l’homme qu’il bravait
De force dans le rond que formaient, côte à côte,
Toute la maisonnée, des serviteurs aux hôtes.
Iros, le premier, frappa sans faire de mal
A Ulysse qui, d’un coup de point magistral
Atteignit le visage de son adversaire
Iros poussa un cri en s’effondrant par terre.
Des valets traînèrent le mendiant bien meurtri
Au dehors afin qu’il retrouve ses esprits
Et tous les prétendants, riants de sa défaite,
Se réinstallèrent pour prolonger la fête.

                                                                           à suivre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.