Le vendeur de sagesse
Ce conte oriental et tout à fait édifiant
Se passait autrefois dans l’heureuse Arabie.
Le sultan de ces lieux, brave homme bienveillant,
Avait pourtant une bien curieuse lubie :
Sans escorte ni garde souvent il aimait
Marcher incognito par les rues de sa ville,
Visitant à loisir les souks et le marché,
Observant ses sujets aux propos volubiles.
C’est ainsi qu’un matin, au sein du brouhaha,
Au milieu d’une place où la foule se presse,
Il entend les appels d’un marchand tout là-bas
Qui criait alentour : « Je vends de la sagesse ! »
Le sultan, étonné du propos singulier,
Vers l’étrange vendeur, fort intrigué, s’avance
Et voit sur son étal plein de petits papiers.
« Quels sont tes prix ? »– dit-il – avec quelque méfiance.
« Tu vois, je vends de la sagesse à tous les prix.
De cent en cent roupies, ça va jusqu’à dix mille.»
« Va pour dix mille ! » dit le sultan très surpris
Qui paye le billet et rentre au domicile.
Curieux de son achat, il déplie le papier
Et lit tout en marchand jusqu’à sa résidence
Ces mots qui sur la feuille avaient été copiés :
« Fais donc ce que tu fais mais pense aux conséquences ! »
Il part alors dans un grand fou rire éclatant
« Je me suis fait rouler ! Bien ! Que cela m’apprenne
A ne plus faire confiance à tous ces charlatans !
Par contre j’ai bien ri ! Cela en vaut la peine.»
Arrivant au palais, il range le papier
Et oublie l’incident et puis monte tranquille
En ses appartements où l’attend son barbier.
Et pendant que l’homme apprête ses ustensiles,
Le sultan prononce très solennellement
Et en le regardant la ronflante formule.
A ces mots le barbier est pris d’affolement
Et, lâchant son rasoir, terrifié, articule :
« Par Allah ! S’écrie-t-il, tombant à ses genoux,
Ah ! Ainsi tu avais découvert la traîtrise !
Je suis perdu car je vois bien que tu sais tout ! »
Le sultan étonné mais cachant sa surprise :
« Oui, je suis au courant mais dis-moi les détails. »
« Je devais te tuer mais ce sont eux la tête,
D’abord le Grand Vizir et le chef du sérail,
Je ne suis que le bras mais, Seigneur, je regrette ! »
« Si tu me dis bien tout, je serai indulgent »
Dit encor le sultan. « Et deux de tes ministres
– Poursuivit le barbier- m’ont promis de l’argent ! »
Et puis il raconta tout ce complot sinistre.
Le sultan, généreux, dominant son courroux,
Pardonna au barbier avec grande noblesse
Puis, les conjurés pris et mis sous les verrous,
Il s’en fut remercier le vendeur de sagesse.
Arnaud Jonquet février 2017