Quattrocento

raphael-madone

Parfois l’on trouve au cœur des forêts exotiques
Dans les lointains pays du mystérieux orient
Des arbres ancestraux dont les fleurs féeriques
Ne poussent qu’une fois, dit-on, tous les dix ans.

Ce qui pour la flore se compte en décennies
Se chiffre en millénaires à l’aune des nations,
Et c’est bien rarement que la fleur du génie
Vient couronner le front des civilisations !

Elle fleurit en Egypte puis dans la Grèce antique
Et dans Rome, berceaux des arts occidentaux,
Puis le jaillissement des églises gothiques
Et enfin l’Italie et le Quattrocento.

Quel émerveillement de découvrir Florence,
Fleur exquise épanouie d’un éternel printemps,
Joyau miraculeux de cette Renaissance
Surpassant en beauté les arts de tous les temps !

Quel céleste décret, quelle divine grâce
A voulu que s’incarnent en ce siècle béni
Toutes ces nobles âmes au sein d’une même race,
Tant d’absolus génies par les arts réunis ?

Mystérieux rendez-vous qui, en quelques décades
Au sein de la Toscane a fait se rassembler
Ce panthéon inouï, cette auguste pléiade,
Ces noms qui pour toujours devaient étinceler !

Tous ceux qui ont reçu les plus grandes louanges
Et devinrent de leur art des maîtres accomplis :
Bellini, Raphaël, le géant Michelange
Léonard de Vinci, Lippi, Botticelli…

De leurs chefs-d’œuvre ils ont fait jaillir la lumière,
Les couleurs et l’espace avec le mouvement,
Et, insufflant la vie à leurs œuvres de pierre,
Ont, ainsi que les Grecs, atteint le firmament.

Leurs statues élancées, pleines de grâce et de force,
A l’antique montrent la beauté des corps nus ;
La cambrure des reins, la puissance des torses
Donnent au marbre blanc un élan inconnu.

Leurs peintures parfaites parfois nous étonnent;
Et l’on reste éblouis longtemps songeurs devant
L’irréelle beauté de certaines madones
Au regard si profond, au sourire émouvant.

Vierges immaculées, chastes mères divines
Dont les fins cheveux blonds cernent un visage pur,
Dont les yeux vers l’Enfant si tendrement s’inclinent
Ou montent en prière vers le bleu de l’azur.

Parmi ces grands artistes certains virtuoses
Etaient à la fois peintres, architectes et sculpteurs !
L’universel talent de ces maîtres grandioses
Ont porté jusqu’aux nues le génie créateur !

Combien de muses ont-elles, le jour de leur naissance
Déversé tous ces dons, penchées sur leur berceau,
Pour qu’ils puissent manier avec tant d’excellence
Le burin, le compas, l’équerre et le pinceau ?

Depuis ce flamboiement, plusieurs siècles d’histoire
N’ont pu renouveler ces exploits prodigieux
Ces artistes géants ont emporté leur gloire,
Leurs couronnes et leur art avec eux dans les cieux.

Là-haut ils ont rejoint la demeure aérienne
Des muses et des grâces qui les avaient dotés
Et, s’inclinant devant leur grande souveraine,
Déposé leurs lauriers aux pieds de la Beauté.

Arnaud Jonquet  mai 2004