La fable du savant
Il est à la mode de ne plus croire à rien
En soutenant parfois des idées ridicules,
Jusqu’au jour où la vie fait que l’on capitule
Et le conte qui suit le souligne fort bien.
Un distingué savant, professeur de physique,
Agrégé de chimie et mathématicien,
Travaillait tout le temps sans jamais voir les siens,
Menant une existence quasi monastique.
Parti tôt le matin, il allait au travail,
Etudiait tout le jour dans son laboratoire
Garni de microscopes, éprouvettes et grimoires,
Qui l’entouraient parmi un savant attirail.
Les longues recherches et les hautes études
De cet homme éminent dont c’était la passion,
Sur l’être et la matière et ses observations
L’avaient lors amené à cette certitude
Qui s’énonce ma foi tout à fait simplement :
Seul ce que l’on peut voir en vérité existe.
Cet esprit cartésien était matérialiste
Et il le démontrait avec moult arguments.
Or, il advint qu’un soir notre savant bonhomme
Par une obscure rue se rendant au logis
Est attaqué soudain par un sbire surgi
D’un coin noir. Ce voyou, c’est ainsi qu’on les nomme,
L’agrippe par le col et de son poing costaud
Tout en le secouant en ces termes le prie :
« Là, bourgeois, tu es fait ! C’est la bourse ou la vie ! »
Pressant sous sa gorge la lame d’un couteau.
Eh bien que pensez-vous que fit l’homme de science ?
Effaré, sans un mot, il donna, empressé,
Sa bourse bien replète et sa montre gousset !
Voyez-vous, comme moi, la belle incohérence ?
Sa logique eût voulu, – n’est-ce pas saisissant ? –
Qu’il fasse le choix de sa bourse bien pourvue
Plutôt que de la vie qu’il n’avait jamais vue
Même en son microscope le plus grossissant.
En ce siècle beaucoup sont tout autant risibles
Que notre homme à vouloir limiter l’existant
A tout ce que l’on voit, goûte, sent, touche, entend
Alors que l’essentiel reste à l’homme invisible.
Arnaud Jonquet août 2007