L’Odyssée 9/20 Ulysse chez Circé
Euryloque attendait, mais ne voyant personne
Ressortir du palais, tout de suite soupçonne
Qu’ils sont les victimes de quelque trahison
Et quittant en courant l’opulente maison,
Retourne au navire pour prévenir Ulysse.
Il lui explique que, par quelque maléfice,
Dans ce vaste palais où ils étaient reçus,
Ses hommes, imprudents, avaient tous disparus !
Au récit d’Euryloque, le fils de Laërte,
Alarmé, apprenant cette nouvelle perte,
Prend son glaive et son arc et, sans aucun délai,
Et part en direction du funeste palais.
En traversant les bois, tout à coup, il rencontre
Un tout jeune homme qui, en souriant lui montre,
D’un doigt pointé au sol, une certaine plante,
Une herbe protectrice aux vertus surprenantes.
Il reconnait Hermès, le messager des Dieux,
Qui l’enjoint à en boire le suc prodigieux,
Qui le protègera des actions maléfiques
En annulant l’effet de tout philtre magique.
Ulysse remercie le messager divin
Et, afin d’écarter un funèbre destin
Qui pourrait empêcher son retour à Ithaque,
Auprès de Pénélope et son fils Télémaque,
Il mâche cette plante et en suce le lait
Puis reprend son chemin et arrive au palais.
Après avoir cherché dans plusieurs vastes pièces,
Il ne tarde pas à trouver la belle hôtesse
Qui, feignant d’accueillir avec tous les honneurs
Dans son vaste château ce noble visiteur,
Lui propose du vin ainsi qu’il est d’usage
Auquel elle ajoute son funeste breuvage.
Ulysse, assoiffé par sa marche en forêt,
Remercie et vide le calice d’un trait.
Alors, changeant de ton, soudain l’enchanteresse
S’adressant au prince lui dit avec rudesse :
« Ouste, va, toi aussi dans l’étable à cochons
Rejoindre maintenant tes autres compagnons ! »
Très vite elle est prise d’une terreur soudaine
En constatant qu’il garde une apparence humaine !
Ulysse lui dit alors, sortant son glaive nu :
« Qu’as-tu fait des soldats qui chez toi sont venus ? »
Épouvantée alors par la vue de son arme,
La pernicieuse hôtesse, avec un cri d’alarme,
En tombant à ses pieds, étreignant ses genoux,
Dit pour calmer du Grec le terrible courroux :
« Prince, rassure-toi, ils sont toujours en vie,
Mais, grâce à mes pouvoirs, usant de la magie,
Je les ai transformés en troupeau de gorets.
Laisse-moi la vie sauve et ainsi je pourrai,
Les libérer du sort et rétablir sans peine
En un très bref instant leur apparence humaine. »
S’exécutant alors, la magicienne fait,
D’un geste de la main, cesser tous les effets
Qu’avait sur les soldats le redoutable charme ;
Puis elle leur restitue leurs habits et leurs armes.
La belle enchanteresse, du nom de Circé,
Fit à Ulysse le récit de son passé
Puis l’invita avec ses hommes d’équipage
A suspendre un moment leur éprouvant voyage,
Insistant, afin de se faire pardonner,
Pour que dans son château ils se laissent inviter.
Le prince accepta et, dans cette île enchantée
Où la fuite des jours semblait s’être arrêtée,
Dans le parc superbe ou dans le beau palais,
Ou bien dans la fraîcheur de l’ombreuse forêt,
Avec ses compagnons, le valeureux Ulysse,
Pendant presque une année, vécut dans les délices.
D’Ithaque toutefois le tendre souvenir
Dans les poitrines grecques amenait des soupirs
Et au bout d’une année de luxe et d’opulence,
Le désir de rentrer devint une exigence.
Circé aux beaux cheveux comprit et ne fit rien
Qui eut pu retenir Ulysse ou l’un des siens :
« Je savais que ce jour était proche -dit-elle,
S’adressant au prince de façon solennelle-
Noble fils de Laërte, écoute mon avis :
Pour ton retour encor nombreux sont les défis
Restant à affronter. Il faut que tu descendes
Jusqu’aux enfers d’Hadès et là que tu entendes
Le devin Tirésias. Son âme te dira,
Connaissant l’avenir, comment tu parviendras,
Malgré tous les dangers, guet-apens, fourberies,
A retourner enfin dans ta douce patrie. »
à suivre