L’Odyssée 4/20 Polyphème
Le cyclope soudain au fond les aperçoit
Et les apostrophe d’une terrible voix :
« Qui êtes-vous, dit-il, et que venez vous faire
Étrangers, pourquoi être entrés dans mon repaire ? »
Ulysse se leva et répondit alors :
« La tempête a brisé mon bateau sur ces bords ;
Nous venons demander, humblement je t’assure,
Ton hospitalité et quelque nourriture. »
Le cyclope ricane et lance brusquement
Ses longs bras vers le fond et, dans un hurlement
Des Grecs épouvantés, se saisit de deux hommes,
De ses puissantes mains les broie et les assomme
Et, – horreur absolue !-, les dévore vivants !!
Le monstre ensuite se désaltère en buvant
Une amphore de lait et puis, gavé, se couche.
Ulysse, révolté, dans un élan farouche,
Est près à se jeter, l’épée nue à la main,
Sur cet être cruel, répugnant, inhumain
Et même cannibale qui le scandalise ;
Mais, à la réflexion, s’arrête et se ravise
Pensant que le rocher fermant la cavité
Par leurs seules forces ne peut être roulé !
Le lendemain matin, après une nuit brève,
Sans s’occuper des Grecs, le cyclope se lève,
Déplace la pierre pour sortir les troupeaux
Et la roule à nouveau pour fermer le caveau,
Maintenant prisonniers Ulysse et l’équipage.
Ayant bien réfléchi, ce stratège envisage
Un plan pour échapper à cet ogre effrayant.
Ils trouvent un tronc de bois qu’ils façonnent en taillant
En pointe tel un fort et vigoureux épieu
Que, sous un tas de paille, ils dissimulent au mieux
Et jusqu’au soir commence une fébrile attente…
Le cyclope revient, maintient l’entrée béante
Pour l’entrée des troupeaux puis referme sur lui
La grotte obscure où règne à nouveau la nuit.
Le cyclope l’éclaire au moyen d’une flamme
Et, préparant le feu, tout à coup il s’exclame :
« Me voici de retour. Polyphème est mon nom,
Je suis le fils aimé du dieu Poséidon ! »
« Apprend-moi, toi aussi de quel nom l’on t’appelle ? »
Ulysse se dresse et, d’une voix solennelle,
Avec quelque malice au colosse répond
« Je m’appelle Personne ! Retiens bien mon nom ! »
Et tout en répétant de sa voix qui résonne
L’étrange nom du chef de ceux qu’il emprisonne,
Polyphème cherche les hommes du regard
Pour saisir deux victimes choisies au hasard.
à suivre