Les 12 travaux d’Hercule 10/12 Le troupeau de bœufs de Géryon
10. Le troupeau de bœufs de Géryon
Hercule avait au cours de précédents travaux
Voyagé en tous sens sur de lointaines terres
Au nord, au sud et vers les confins orientaux.
La nouvelle mission, hardie et téméraire,
Qu’imposa Eurysthée à son lointain cousin
Le mena au ponant sur l’île d’Érythie
Afin de capturer un troupeau de bovins
Dont le pelage roux suscitait moult envies.
Le propriétaire de ces superbes bœufs
– Réputés sans égaux sur toute la planète –
S’appelait Géryon, un géant monstrueux
Possédant sur deux jambes trois corps et trois têtes.
Lors pour suivre Apollon sur son flamboyant char
Vers la très lointaine bordure occidentale
Du monde, le vaillant Hercule bientôt part
Et s’éloigne en bateau de sa patrie natale.
Etait-ce la bonne façon de voyager ?
Les flots ayant lassé sa bouillante nature
Il ne fit en mer que la moitié du trajet
Pour poursuivre à terre l’intrépide aventure.
Il accoste en Lybie et, marchant d’un bon pas,
Longe vers l’occident les côtes africaines,
De sa lourde massue envoyant au trépas
Les fauves qui lui lancent une attaque soudaine.
Au bout de quelques jours, il arrive à l’endroit
Resserré où les deux continents se rapprochent.
La légende prétend qu’encor un isthme étroit
Les reliait en ce temps joignant les hautes roches.
Arrivé en ce lieu, notre héros ombrageux,
Par de grands coups de poing démolit et fracasse,
Pour quelque obscur dessein ou peut-être par jeu,
Cette bande de terre en créant une passe
Qui ouvre cette mer sur le vaste océan,
La Méditerranée sur l’immense Atlantique.
Les rochers séparés par le fougueux géant
Reçurent alors le nom dans tout le monde antique
De « Colonnes d’Hercule » de leur nom latin.
Changeant de continent et changeant de rivage,
Aux côtes d’Ibérie notre colosse atteint
Cette île d’Érythie, terme de son voyage.
Pour mieux observer l’île, il monte tout en haut
D’un tertre d’où il voit dans de verts pâturages
Brouter tranquillement un immense troupeau.
N’apercevant aucun bouvier dans les parages,
Notre héros s’approche mais voit courir vers lui
Un chien à deux têtes, tel un monstre sauvage
Mais d’un coup de massue Hercule l’éconduit.
Or soudain apparaît de derrière un feuillage,
Alerté par le bruit du rapide combat,
Le profil effrayant d’une immense silhouette
Le géant Eurythion, bouvier de son état,
Qui d’un cri menaçant fonce sur notre athlète.
Il reçoit lui aussi, à l’instar de son chien,
Un formidable coup de la lourde massue
Expédiant « ad patres » l’infortuné gardien.
Aucune autre présence n’étant aperçue,
Hercule déjà pense à son prochain retour
Lorsque se rue sur lui un être abominable,
Un monstre hallucinant et haut comme une tour
A la constitution vraiment épouvantable :
Sur deux jambes, il avait, comme un arbre, trois corps ;
Donc trois troncs et six bras, surmontés de trois têtes…
Hercule tend son arc et lui décoche alors
Trois habiles flèches que le héros projette,
Et qui vont s’enfoncer dans chacun des trois fronts.
Tel un arbre coupé, l’immense corps chancelle
Puis fracasse le sol de ses branches et son tronc
Car ses traits acérés sont des flèches mortelles.
Géryon terrassé, rassemblant le troupeau,
Le héros prépare son retour vers la Grèce.
Il place les bœufs roux sur un vaste radeau
Et vers la côte ibère assez proche s’empresse.
Malgré l’aide apportée parfois par Apollon,
Souvent contrecarrée par Héra la déesse,
Le retour au pays fut terriblement long.
Ce bétail, qui n’allait qu’à petite vitesse,
Suscitait maintes envies tout au long du chemin
Et il y eut bien sûr beaucoup de tentatives
De moult voleurs pour mettre dessus la main
Contraignant Hercule à rester sur le qui-vive !
Pour revenir à pied du lointain occident
Sans doute a-t-il fallu plus d’une seule année
De marches, de poursuites et de combats ardents
Faisant de ce périple une longue odyssée.
Notre héros, n’ayant pas du tout le pied marin,
Voulut donc éviter la Méditerranée
Et dut avec ses bœufs, au pas du pèlerin,
Remonter l’Ibérie, passer les Pyrénées,
Longer la côte sud du pays des Gaulois
Marchant au pied des Alpes, atteindre l’Italie,
Lutter contre Cacus, géant sans foi ni loi,
Qui commit chez les siens nombre de vilenies,
Estourbir ce colosse et reprendre ses bœufs.
Quelques têtes, égarées, descendant en Sicile,
Contraignirent Hercule, toujours aussi fougueux,
A les poursuivre au sud en direction de l’île.
Une nouvelle fois il dut plonger dans l’eau
Pour pouvoir traverser le détroit à la nage,
Toujours accompagné par le gros du troupeau,
Puis rejoint les fuyards en quelque pâturage.
Son séjour sicilien fut aussi jalonné
Par nombre de combats, de luttes et de querelles
Contre monstres et géants prétendant détourner
A leur seul profit ces bêtes exceptionnelles.
Le troupeau reformé, Hercule put enfin
Traverser le détroit et quitter la Sicile
Pour reprendre au nord son sempiternel chemin
Que tous ces traquenards rendaient très difficile.
Remontant l’Italie, il put finalement
Contourner par le haut la mer Adriatique
Mais la perfide Héra lui envoya un taon
Qui, en piquant les bœufs provoqua la panique.
Et voilà les bovins à nouveau dispersés,
L’infatigable héros qui repart à leur chasse
En faisant en tous sens des trajets insensés
Dans la Grèce du nord et même jusqu’en Thrace 8 !
L’aventure connut un dénouement heureux
D’un retour accompli dans les contrées hellènes
Lorsqu’au bout du chemin et avec tous ses bœufs
Il fut enfin en vue des portes de Mycènes !
La légende prétend qu’en de multiples lieux
Où Hercule passa autrefois on retrouve
Le nom tant vénéré de ce héros glorieux
Ainsi qu’Herculanum 9 et Héraclée 10 le prouvent.
Sénélé sur son char est tirée par deux bœufs ;
Déesse de la Lune aux blancheurs argentées,
Elle trône en Cancer. Notre héros glorieux,
Doit constamment mener des luttes acharnées
Afin d’éliminer ses principaux défauts :
Une imagination par trop désordonnée,
Une émotivité toujours à fleur de peau
Pour purifier les forces qui lui sont données.
8 Province orientale de la Grèce à l’époque antique.
9 Près de Pompeï.
10 Ville antique près de Tarente.