La Mer Rouge

Dès l’aube on entendit partout des cris, des pleurs
Qui montaient des maisons des deux côtés du fleuve ;
Ce matin de nouveau une terrible épreuve
Frappait chaque famille au comble du malheur !

Depuis plus de dix mois s’abattait sur l’Égypte
Une pluie incessante de calamités
Tout le peuple du Nil était épouvanté
Et les prêtres pleuraient dans le secret des cryptes.

Chaque fois Pharaon, au cœur rempli de fiel,
Suppliant Aaron et son frère Moïse
Et le Dieu Jéhovah par leur sainte entremise,
Promit de libérer les enfants d’Israël.

Et chaque fois pourtant, reprenant sa parole,
Le farouche tyran, fourbe et vindicatif,
Retenait prisonnier l’immense peuple juif
Qui vivait chaque jour dans une anxiété folle.

Quand la dixième plaie, meurtrière et sanglante,
Fit enfin plier le terrible Pharaon,
Il convoqua Moïse et son frère Aaron,
Chef et prêtre de la nation juive souffrante,

Et ordonna à tous de quitter le pays.
Ce peuple, dont le nombre atteignait six cent mille,
Dans l’ardeur et la joie se prépara, fébrile,
Afin que Pharaon soit très vite obéi !

Enfin délivrés de leur lourde servitude,
Les Hébreux rassemblant leurs biens et leurs troupeaux
Commencèrent l’exode en quittant au plus tôt
Le sol ingrat d’Égypte en une multitude.

En s’éloignant du Nil, ils marchèrent au levant
Alors que Pharaon dans la même journée,
Toujours possédé par une haine acharnée
Regrettant son geste, lançait des poursuivants ;

Toute une armée menée par six cents chars d’élite
Et des chevaux montés de soldats valeureux
Brides abattues partit rattraper les Hébreux
Qui n’avançaient qu’à pied en une lente fuite.

Mais quand la mer bloqua cette marche en avant,
Moïse à Jéhovah adressa sa prière,
Puis étendit son bras sur le large estuaire
Et l’eau se retira, repoussée par le vent.

Un passage s’ouvrit entre deux murs liquides,
Sur le sable, à pied sec, qui séparait les flots.
Les Hébreux s’engagèrent en regardant les eaux
Qui frémissaient ainsi que des murailles fluides

Et Moïse avança, le bras toujours dressé,
En tête de la foule d’un peuple innombrable
De bêtes et d’humains qui marchaient sur le sable
Et puis se retourna lorsqu’il eut traversé.

Quand la fin du convoi eut atteint l’autre rive,
Longeant les irréelles et liquides parois
Que maintenait Moïse en levant son bras droit,
On entendit le bruit de la poursuite vive,

Le grondement des chars que le Pharaon-roi
Avait lancé après la multitude juive.
Le tumulte augmentait et la nation captive
Sentait croître en son cœur terreur et désarroi.

Lorsque les cavaliers, les chars, les attelages
Et le gros de l’armée se trouva engagé
Au milieu de la voie et se mit à charger,
Moïse, le prophète, du haut du rivage,

Terrible et solennel, baissa soudain son bras.
La mer en explosant se referma sur l’isthme
Broyant les poursuivants ; absolu cataclysme
Où l’armée toute entière en un instant sombra !

Arnaud Jonquet octobre 2019