Après avoir vogué sous un soleil ardent,
La galère approcha de l’île du Trident 3 .
On entendait de loin les bœufs et les génisses
Meugler dans les prairies et le prudent Ulysse,
Ayant en mémoire du devin les propos
Et craignant toute action pouvant nuire au troupeau,
Préférait éviter que l’on y fasse escale.
Mais la protestation quasiment générale
De tout l’équipage qui était épuisé
Convainquit Ulysse que, pour s’y reposer
Et boire ils feraient, le temps d’une journée,
Halte dans cette île d’allure vallonnée.
Ulysse accepta donc mais à la condition
Qu’aucun de ses marins, en aucune occasion,
Ne porte la main sur ce bétail nonpareil
Qui appartenait à Hélios, le Dieu soleil.
La galère mouilla dans une anse de l’île
Et, à terre, les Grecs, eurent une nuit tranquille
Mais au matin le vent s’étant mis à souffler
La houle soulevait des flots par trop gonflés,
Des vagues couronnées par une blanche crête.
Puis le vent se mua en puissante tempête
Qui dura tout le jour avec obstination
Rendant impossible toute navigation.
Avec le même temps plusieurs journées passèrent
Sans que les Grecs puissent repartir en galère.
Avec les provisions qu’avait données Circé
Ils tirent bien au début de ce séjour forcé
Car ils étaient partis avec la cale pleine.
Mais cependant les vivres, au bout de deux semaines,
S’étaient vite mises à cruellement manquer
Et les marins, entre eux, en vinrent à critiquer
La rigueur de leur chef. Or, un soir, son beau-frère,
Euryloque, parla aux marins en colère :
« Amis, va-t-il falloir que nous mourrions de faim
Alors qu’autour de nous paissent tant de bovins ?
N’est-il pas insensé qu’ainsi l’on dépérisse
Pour sans doute mourir après ce long supplice ?
Plutôt que de périr maintenant il vaut mieux
Manger et encourir la colère des dieux ! »
Un soir, profitant du profond sommeil d’Ulysse,
Les marins saisirent en vue d’un sacrifice
Les plus grasses génisses au sein de ces troupeaux,
Les immolèrent puis les mirent aussitôt
A rôtir sur un feu allumé sur la plage.
Assouvissant leur faim, les hommes d’équipage,
Ne virent pas qu’Ulysse s’était réveillé
Et s’approchait avec un air épouvanté :
« Mais que faites vous donc, misérables parjures !
Etes-vous conscients que, pour quelque nourriture,
Vous venez de commettre un crime monstrueux
Qui va exacerber la fureur de nos dieux !
Le mal est sans remède et le châtiment proche !! »
Après leur avoir fait ces acerbes reproches,
Comme les vents enfin commençaient à mollir,
Ulysse décida d’essayer de partir.
Bien que la mer fût forte, ils lancèrent leur navire
Dans la crainte d’Hélios qui devait les maudire
Mais dans les quelques heures suivant leur départ,
Ils furent enveloppés par un épais brouillard.
C’est à ce moment que, dans une nuit complète,
Se déchaîne soudain une affreuse tempête !
Une mer démontée agite le vaisseau
Qui subit des vagues d’effroyables assauts
Et d’incessants éclairs zèbrent un ciel d’orage
Pendant qu’un ouragan fait trembler avec rage,
Comme un concours de forces entre le vent et l’eau,
Tout le navire de la proue à l’étambot !
Avant que l’on puisse réduire la voilure,
La foudre claque alors, provoquant la rupture
Du grand mat qui s’abat en travers du bateau,
Le faisant chavirer et tomber dans les flots
Le malheureux Ulysse et tout son équipage !!
Les voilà engloutis dans ce triste naufrage
Mais le fils de Laërte, au moment de tomber
Par-dessus bord, d’un bras, parvient à attraper
Dans un geste réflexe, au milieu du désordre
Et du fracas, une providentielle corde.
Elle était attachée au grand mat abattu
Que l’onde fait flotter comme un simple fétu.
S’accrochant à la poutre, Ulysse surnage
Et, cherchant du regard dans les proches parages
Afin d’apercevoir l’un de ses compagnons,
Il s’abandonne à une profonde affliction
Car il scrute la mer sur toute sa surface
Sans parvenir à en trouver la moindre trace.
Il se rend compte alors qu’il est dorénavant
De tous les Ithaciens l’unique survivant !!
à suivre
3. Île de Trinacrie
Bonsoir Arnaud,
la lecture de ta poésie a encore une fois apaisé mon cœur souffrant, et m’a fait penser à la jeune Tarentine d’André Chénier
« Elle a vécu Myrto, la jeune tarentine !
Alors encore une fois merci à toi, et que vive la Poésie !
Bises fraternelles.
Maryvone D.D.