Écoute, promeneur, approche pour entendre
Ce joyeux, indistinct et doux balbutiement,
Il monte de ce creux où l’herbe verte et tendre
Et les petites fleurs forment un nid charmant ;
Une source jaillit parmi les frêles pousses
Et son eau transparente aux éclats cristallins,
Scintillante au soleil dans son écrin de mousse,
Brille ainsi qu’un joyau aux reflets opalins.
Regarde maintenant le ruisseau qui s’élance,
Rapide et bondissant comme le vif-argent,
Le voici au début de son périple immense
Qui finira un jour dans le vaste océan.
Le long de son chemin, cette eau divine et pure,
Que sa mission sacrée toujours mène en avant,
Vivifie tous les grands règnes de la nature,
Lavant et abreuvant tous les êtres vivants.
Partout où l’onde passe elle apporte la vie :
L’abeille, l’écureuil, le renard, le taureau,
Les petites bêtes par les grosses suivies
Approchent tour à tour pour boire au bord de l’eau.
Puis viennent les hommes qui taillant dans la pierre
Des moulins, des bassins, des fontaines aux eaux bleues,
Font naître des villages aux berges des rivières
Et des villes au bord des fleuves vaporeux.
Admire la sagesse de Mère Nature :
Il suffit que l’eau coule et la vie apparaît.
On voit se rassembler toutes les créatures,
Il suffit que l’eau coule ; voilà le grand secret !
Comprends-tu, voyageur ? Ton cœur est une source
Dont le flux pur et clair ne doit jamais finir ;
Tout au long de ta vie, cette formidable course,
Il doit couler toujours sans jamais se tarir !
Évite le marais et ses passions morbides ;
Par le pur filet d’eau qui de la terre sourd
Purifie chaque jour d’un flot clair et limpide
Et renonce au désert d’une vie sans amour.
Malgré les vexations, malgré les injustices,
Malgré tous les malheurs, toutes les trahisons,
Que la vie nous fait boire en son amer calice,
Ne laisse pas ton cœur se remplir de poison,
Mais qu’il soit purifié par cette onde lustrale
Qui balayera bien loin les impures rancœurs,
Car toujours elle va et coulant sans escale
Elle inonde d’amour tout ton être vainqueur.
La douleur disparaît lorsque coule l’eau pure,
Son flux éloigne ainsi que des fétus les maux ;
Aime quoi qu’il arrive ! Aime la nature,
La terre nourricière et tous les animaux,
Aime les soirs d’été, le bleu d’un ciel sans voile,
L’aube pâle d’où naît le soleil glorieux
Et l’espace infini tout constellé d’étoiles ;
Aime aussi les humains, vénère tes aïeux.
Si l’invisible vie n’est pas pour toi étrange,
Aime aussi au-delà de ce que voient nos yeux
L’univers plein d’amour peuplé de légions d’anges
Et de divinités qui chantent dans les cieux.
Comme la pluie du ciel vient traverser la terre
L’amour sacré descend des célestes hauteurs,
Maintient et vivifie la création entière,
Pénètre dans nos âmes et jaillit de nos cœurs.
Voilà donc la chanson que la source fredonne
Ô toi qui passes, entend son refrain enchanteur ;
Si tu aimes toujours et toujours tu pardonnes,
Toute ta vie sera inondée de bonheur.
De la source au ruisseau et puis à la rivière,
De la rivière au fleuve, puis à l’océan,
Au flux de ton amour ne mets point de barrière
Qu’il grandisse toujours et devienne un géant !
Et comme l’eau du ciel remonte un jour aux nues
Après avoir décrit son cycle prodigieux,
Notre âme aussi retourne d’où elle est venue
Dans le céleste azur se fondre au sein de Dieu.
Arnaud Jonquet avril 2002