Les cyclopes

cyclopes

La bêtise parfois nous fait tomber bien bas
Et l’homme primitif, la brute, le sauvage,
Veut détruire toujours ce qu’il ne comprend pas.
La fable ci-dessous en est un témoignage.

L’Odyssée nous raconte qu’en ces temps très anciens
Où Ulysse voulait retrouver Pénélope,
Existaient des géants, êtres antédiluviens,
Que la mythologie avait nommés cyclopes.

La légende rapporte un détail bien curieux :
Sur leur immense front, ces terribles colosses
Ne possédaient qu’un œil, mais énorme, au milieu
Et ils étaient de plus des ogres très féroces.

Or un jour l’un d’entre eux, parti sur les chemins,
Voulant, figurez-vous, explorer le grand monde,
Se sentit révolté, rencontrant des humains,
En voyant leur visage effrayant et immonde !

Et d’une voix chargée d’horreur et de dédain,
A ses pairs racontait, de retour au village :
« Ces êtres – c’est affreux ! – ont deux yeux au lieu d’un
Ce qui leur fait vraiment un horrible visage !»

Ameuté par ses cris, son brave peuple accourt,
Se récrie au récit de cette race infâme,
Comment ? De tels êtres vivent aux alentours !
Et leur bruyante foule s’échauffe et s’enflamme.

Un hourvari d’injures et de tollés furieux
Monte alors, menaçant, de cette foule ivre ;
Haro sur les humains horribles et monstrueux !
Cette race difforme aurait le droit de vivre ?

Et franchissant alors du village le seuil,
La croisade se forme et hardiment galope ;
« Allons de ces monstres crever le deuxième œil ! »
Crie, la lance à la main, la troupe des cyclopes.

Conte mythologique et naïf, dites-vous,
Mais qui, admettons-le, a quelque ressemblance
Avec nous les humains quand nous devenons fous
De haine et de fureur, de bête intolérance.

Quoi de plus meurtrier, quoi de plus dangereux
De plus aveugle que la foule vengeresse ?
Il semble hélas que plus les humains sont nombreux,
Plus ils sont dépourvus de la moindre sagesse.

Restons sourd à la foule, à ses cris, sa fureur,
Qui dans le doute charge ainsi qu’un taureau myope,
Réfléchissons d’abord sans céder à la peur
Pour ne pas réveiller en nous le vieux cyclope.

Arnaud Jonquet  novembre 2008

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