Chaque peuple possède ses us et ses mœurs ;
Le Français, quant à lui, est volontiers moqueur !
C’est une tradition maintenant séculaire
Qui rend notre nation, semble-t-il, assez fière.
Déjà le moyen âge, en un passé profond,
Avait institué les fous et les bouffons,
Lorsque la moquerie, encore assez éparse,
Naissait en fabliaux, contes comiques et farces,
Joués sur des tréteaux, parfois dans des palais ;
C’était l’époque de François de Rabelais.
Mais pour ne citer que les grands noms de naguère,
On arrive très vite à ce monsieur Molière
Qui brocardait son monde en prose ou bien en vers,
Faisant rire des vices, défauts et travers
De bourgeois vaniteux, de médecins ignares,
De marquis trop précieux ou de barbons avares.
Puis viendront Voltaire, Diderot, Beaumarchais
Et tous les humoristes à l’esprit bien français,
Qui donneront plus tard chaque jour en pâture
Au théâtre, en poèmes ou en caricatures,
En satires, en chansons, en sketchs ou en pamphlets,
Au peuple qui dans la moquerie se complait,
Tous les débordements, les drames et les crises
Dus à l’avidité, l’orgueil ou la sottise,
Voire l’hypocrisie ou bien la vanité,
Vices universels puisque, en vérité,
Intimement liés à la nature humaine…
Et il nous semble au fond une chose très saine
Que cet esprit railleur cherche à stigmatiser
Tous ces travers aux yeux d’un public amusé.
Mais, entendons-nous bien, ce que l’on vise en somme
Sont les débordements, les tares et non les hommes !
On se laisse emporter par le rire et voilà ;
L’on franchit sans la voir cette limite-la !
Elle paraît à beaucoup sans doute imperceptible
Puisque nos amuseurs aiment à prendre pour cible
Professeurs, artistes, flics, intellectuels,
Chefs, dirigeants, patrons et homosexuels,
Sans oublier surtout le grand succès comique
Remporté chaque jour par nos chers politiques !
On aime à se moquer de toute autorité
En mettant le peuple rieur de son côté
Sans pourtant mesurer combien ces insolences
Constamment propagées sapent dans l’insouciance
Cette ancienne vertu oubliée tout à fait
Que nos pères autrefois appelaient le respect !
Pourquoi donc s’étonner que les enfants répondent,
Donnant même des coups aux parents qui les grondent !
Combien de professeurs tremblent auprès du tableau
Craignant de recevoir un bon coup de couteau !!
Considération, égard, déférence, estime
Sont des mots démodés que le monde supprime…
Divin héritage de la Révolution,
Joyau des Droits de l’Homme en la Déclaration,
La liberté d’expression que rien ne censure
Permet donc d’adresser n’importe quelle injure !?
Mais cette liberté, hier comme aujourd’hui,
Ne doit pas s’exercer au détriment d’autrui ;
Sur la Déclaration – vous l’ignorez peut-être -,
Ce point important est marqué en toutes lettres.
Or tous ceux qui se moquent, chansonniers et consort,
A leurs victimes font évidemment du tort
Les injures, piques, quolibets ou cabales
Font subir forcément une peine morale !
Mais, comme le respect, « morale » est un vain mot
Que seuls utilisent les vieux et les grimauds,
Un mot très démodé qui vous déconsidère
Et qui sans doute va sortir du dictionnaire…
On se moque des gens d’une odieuse façon :
Non pas pour ce qu’ils font mais bien pour ce qu’ils sont !
Et malgré de la loi l’apparente limite
Pour contrer le raciste ou bien l’antisémite,
Toutes ces railleries sont maintenant légion
Qui, en plus des races, ciblent les religions !
Quant à la société, supposée république,
Bien que se prétendant en théorie laïque,
Au nom de la sainte liberté d’expression
Encourage cette sinistre dérision,
Semblant se réjouir de cette décadence,
En ce piteux humour, indigne de la France !
Bien sûr, évidemment, la pire illustration
De cette volonté têtue de vexation,
D’humiliation, d’affront, d’insulte et d’injure
Est cette triste affaire des caricatures.
Tourner en ridicule et ce, ouvertement,
Les croyances sacrées du monde musulman,
Ricaner d’une foi qui leur est essentielle,
C’est gifler carrément des millions de fidèles !!
Il ne s’agit pas de reculer, c’est certain,
Par peur devant la haine de lâches assassins !
Qu’ils soient traqués et pris; qu’une justice ferme
En de solides murs pour longtemps les enferme !
Mais insulter toujours de nombreuses nations,
Et sans cesse outrager des hommes par millions
A seule fin de narguer et de faire la nique
A quelques centaines d’insensés fanatiques,
Vouloir, quoi qu’il en coûte, avoir le dernier mot,
Est un jeu dangereux et, qui plus est, idiot !
Que disent les parents lorsque, dans la famille,
Deux enfants acharnés se disputent et s’étrillent ?
Qu’il revient au plus mûr, c’est-à-dire à l’aîné,
Plus raisonnable que son cadet, de céder.
Ancestrale nation du Siècle des Lumières,
Pourquoi ne pas jouer le rôle du grand frère ?
Pourquoi ne pas montrer un peu plus de grandeur
Et sortir par le haut moralement vainqueur ?
Abandonner cette mesquine moquerie
Pour rétablir enfin la paix et harmonie !
Bafouer des hommes s’élevant dans la foi
Ne fera jamais un humour de bon aloi
Et trouvez-vous glorieux, amuseurs, journalistes,
Cet esprit lourdaud de grossiers matérialistes ?
Sachez qu’il n’est pas bon de se moquer de tout !
Le champ est vaste mais, il faut savoir jusqu’où
Le rire peut aller sans changer de nature
Et, de plaisanterie, devenir une injure !
Ô France, ma patrie, vieux pays policé,
Retrouve la grandeur de tes siècles passés ;
A l’esprit étriqué préférant la sagesse,
Montre au front des nations la voie de la noblesse !
Arnaud Jonquet Juillet 2021
Ce beau poème aux rimes bien balancées se révèle aussi utile à méditer pour tout un chacun et j’ai bien envie de l’envoyer à beaucoup de personnes qui n’ont jamais bien réfléchi à la perversité de la moquerie incessante. Et j’aime également la fin de ce texte qui propose une image plus glorieuse de la France. Un poème à mettre également en prose pour les gens que la poésie rebute, tant ce message est crucial de nos jours…
Oups
… qu’on doit aimer
voilà ce que c’est que de ne plus avoir le temps de se relire !
Merci Arnaud
et encore une fois bravo ! pour votre art de la plume, bravo pour votre équité, bravo pour votre intelligence, vous êtes un homme qu’on doit aimé avoir comme ami, et vous êtes ainsi un peu mon ami quand j’ai le plaisir de lire certains de vos poèmes.
Alors que puis-je dire d’autre que : amitiés sincères.
Maryvone DAVIDSON