Vers le lointain ponant ne progressant plus guère,
Toujours repoussés par de puissants vents contraires,
Les Grecs furent contraints de chercher à nouveau
Une crique abritée protégeant les bateaux.
Ils mirent ainsi le pied sur une petite île
Dont les vallons herbus et les prairies tranquilles
Regorgeaient de troupeaux de chèvres et de moutons.
Une belle occasion qui créa les larrons !
Et les hommes, joyeux, se mirent vite en chasse
Rapportant aux vaisseaux des animaux en masse
Qui firent le bonheur des marins affamés.
Mais pendant le banquet ils furent alarmés
Par des éclats de voix étranges et terribles
Qui provoquaient l’effroi en ces lieux si paisibles.
Ulysse décida, dès le matin suivant,
De s’aventurer pour voir ces êtres vivants
Et, avec les hommes de son propre équipage,
Il part reconnaitre un peu plus les parages
Emportant des denrées et une outre de vin.
Après avoir franchi un périlleux ravin,
Il aperçoit plus haut une large ouverture
D’une grotte excavée dedans la roche dure.
Après une prairie parsemée de rochers,
Le groupe, prudemment, parvint à s’approcher
De l’antre caverneux d’une très grande taille
Et bien aménagé. Sur le sol de la paille,
A droite il y avait plusieurs vastes enclos
Où étaient retenus des chevreaux et agneaux.
A gauche, sur les murs, se trouvaient des fromages
Qui séchaient sur des claies. Alors avec courage,
Suivant Ulysse qui de tout était curieux,
Le groupe pénétra dans cet étrange lieu.
Ils voulaient en effet découvrir le visage
De l’être qui vivait céans. Quelque sauvage
Berger ayant fait de la grotte son bercail,
Nourri des ressources d’un abondant bétail.
Ils attendaient au frais à l’ombre de cet antre
Que l’occupant des lieux à son grand logis rentre.
Le temps passa; ce n’est que vers la fin du jour
Que les Grecs entendirent approcher des pas lourds
Comme d’énormes coups sourds au sol qu’accompagnent
Des secousses faisant trépider la montagne !
Et les Grecs aperçoivent par le trou béant
L’horrible silhouette d’un affreux géant !
Sa taille était d’une pareille démesure
Qu’il dut se pencher bas pour franchir l’ouverture !
Il fait ensuite entrer dans l’antre des troupeaux
De béliers et brebis qu’il parque dans l’enclos,
Allume un feu de bois au beau milieu de l’aire,
S’approche des brebis et se met à les traire
Puis, sans voir les intrus qui, bien sûr, se cachaient,
Il roule pour fermer un énorme rocher.
Mais le feu diffusant une franche lumière,
On voyait maintenant la grotte toute entière
Et les Grecs ont un choc en voyant sous son front
Non pas deux mais un seul œil, énorme et tout rond !!
En eux monta soudain une effroyable angoisse ;
Ils avaient entendu parler de cette race.
Un cyclope ! Ces Grecs n’en avaient jamais vus
Mais combien de récits ils avaient entendus
Sur ces êtres méchants, cruels, abominables,
Sans foi ni loi, ayant des mœurs épouvantables !
à suivre