Le partage de Nastradine

troupeau-ânes

Le jugeant quelque peu loufoque et excentrique,
De Nastradine Hodja on s’est souvent gaussé,
Cependant il était fort en arithmétique
Ainsi que ce récit nous le démontre assez.

Cette histoire arriva dans un petit village
Où venait de mourir un homme très âgé.
Il laissait à trois fils un bien maigre héritage
Qu’ils étaient incapables de bien partager.

Le papa leur léguait un petit troupeau d’ânes,
Seul bien que possédait ce pauvre villageois,
Soit dix-sept bourricots, une vraie caravane,
Un nombre difficile à partager en trois !

Sans compter qu’en rangeant les affaires du père,
Ils découvrirent ses dernières volontés.
Le testament trouvé en haut d’une étagère
Les plongea encor plus dans la perplexité !

Car la répartition posait un vrai problème :
L’aîné devait avoir la moitié du cheptel,
Le second le tiers et le cadet le neuvième ;
Insoluble rébus et embarras cruel !

Ils consultèrent alors bon nombre de notables
Mais aucun d’eux ne put trouver la solution.
On les orienta vers un homme très capable,
Un mollah fort malin habitant la région.

Ils se rendirent ainsi chez ce bon Nastradine,
Dernier espoir pour les trois frères malheureux.
Il écouta l’affaire en mangeant son tajine,
Réfléchit un moment, puis, d’un air lumineux,

Il leur dit « Oui, bien sûr, il faut que l’on vous aide !
Je vais donc vous prêter mon propre bourricot »
Et aux frères ahuris donne son quadrupède.
« Ne comprenez-vous pas, espèces de nigauds ?

Vos dix-sept plus le mien, cela fait dix-huit têtes.
La moitié qui fait neuf échoit donc à l’aîné.
Le tiers va au second, c’est-à-dire six bêtes,
Le neuvième au cadet, soit deux ânes et c’est fait !

Neuf plus six et plus deux, cela fait notre compte,
Dix-sept ânes au total et il en reste un.
Or cet âne est le mien, c’est celui que je monte
Et je le reprends donc si vous le voulez bien. »

Arnaud Jonquet janvier 2016