La poésie nouvelle

Banff

Est-ce vous Rutebeuf, Villon ou Baudelaire,
Cendrars, Corbière, Nerval ou Verlaine et Rimbaud,
Poètes mal aimés, amers et solitaires,
Qui de la poésie faites un triste tableau ?

Que de mélancolie et de langueur malsaine,
D’abattement profond et de sombre chagrin,
Que de lamentations, de regrets et de peines
Gémissent à travers vos moroses quatrains !

Vous aimez à bercer vos mortelles blessures
En arborant bien haut votre triste destin,
De la fatalité vous faire une parure,
Tels de sombres dandys marchant vers le déclin.

Quant à l’amour, bien sûr, l’inévitable thème,
Qui de la poésie semble le maître mot,
Il est chez vous déçu, fatal et le « Je t’aime »
N’est-il pas bien souvent la source de vos maux ?

Peine et amertume, déception, jalousie,
Pleurs, soupirs et regrets, que de tourments affreux !
Mais pourquoi limiter ainsi la poésie
Aux récits affligés des amours malheureux ?

Le monde n’est-il pas infiniment plus vaste
Que les béguins perdus de Lisette ou Ninon ?
La vie est-elle pour vous une chose néfaste
Ainsi que l’espérance à qui vous dites « non » ?

Alors quoi !? Pas un mot au soleil qui se lève ?
A l’azur tout vibrant de joyeux chants d’oiseaux,
Au printemps revenu plein de joie et de sève,
A la vie d’où jaillit l’élan du renouveau ?

Pas un vers pour les fleurs aux couleurs éclatantes,
Les blés blonds ondulant sous la brise d’été,
Les myriades d’étoiles en la nuit scintillantes,
Les sommets enneigés trônant en majesté ?

Devant tant de splendeurs, devant tant d’harmonie,
N’êtes-vous pas émus, poètes des cités ?
Seriez-vous insensibles à l’immense génie
De la Nature en sa somptueuse beauté ?

Jamais un mot non plus sur l’Homme et sur sa quête,
L’épopée des génies, des sages et des héros,
L’héritage immense des saints et des prophètes,
Qui guident les nations et les mènent au plus haut ?

Mais votre inspiration, triste et crépusculaire,
Malgré de très beaux vers est vouée au tombeau.
Un jour cet art divin redeviendra solaire
Et chantera la vie, l’amour vrai et le beau.

La poésie nouvelle sera couronnée
Et remplira alors la très haute mission
Pour laquelle elle fut toujours prédestinée
Depuis les plus anciennes civilisations :

Devenir le miroir ici-bas sur la terre
Des multiples splendeurs que contient l’univers,
De l’Âme et de l’Esprit être la messagère
Nous faisant pressentir l’indicible en ses vers.

Elever l’être humain au-dessus de ses miasmes,
Dévoiler des trésors invisibles à ses yeux
Et cultiver en lui le goût de l’enthousiasme,
De tout ce qui est pur, transparent et radieux.

Demain la Poésie, de son aile puissante,
Nous élèvera vers les mondes merveilleux
Où la Muse Harmonie nous berce et nous enchante
Et, toujours un peu plus, nous rapproche de Dieu.

Arnaud Jonquet décembre 2015