Les fâcheux
Évitons, mes amis, de devenir fâcheux,
Comme ces importuns plus fuis que des lépreux,
De soi-disant amis qui, alors qu’ils vous tiennent,
Vous racontent en détail leurs soucis et leurs peines.
Vous-mêmes en connaissez sûrement au moins un ;
Un collègue, parent, camarade ou voisin,
Que vous avez croisé au détour d’une rue,
Qui vous hèle de loin, vous fait signe et salue.
Peut-on faire semblant de ne pas l’avoir vu ?
Non, vous êtes coincé car pris au dépourvu !
« Comment va ?» dit-il ou quelque mot de la sorte
Montrant par là le peu d’intérêt qu’il vous porte.
Puis ayant acquitté à peu de frais son dû,
Le voilà qui commence un discours éperdu :
La hausse des impôts, de mauvaises affaires,
Son sous-chef de bureau, ses enfants, sa belle-mère,
Il ne vous passe rien et il se plaint de tout.
Vous marchez droit devant, au hasard, n’importe où,
Cherchant à couper court, regardant votre montre,
Espérant le secours de quelque autre rencontre,
Mais il poursuit et rien ne vous est épargné !
Vous n’écoutez qu’à peine et marchez résigné,
Malheureux prisonnier des conventions sociales
Car au lieu de lui dire, et de façon glaciale,
« A présent ça suffit, vous me cassez les pieds ! »
Poliment vous glissez parfois, ainsi qu’il sied,
Des « Ah bon ?», « ça alors ! », « c’est bien sûr », « si, j’écoute »
Qui l’encouragent bien, ça ne fait aucun doute !
Cela se passe ainsi, n’est-ce pas, braves gens,
Vous aussi avez vu ce spectacle affligeant,
Déplaisante scène tristement coutumière
Semblant sortie d’une comédie de Molière.
Vous avez des soucis, des peines, des malheurs ?
Près d’autrui vous voulez épancher votre cœur ?
C’est légitime mais soyez plus perspicace
Et dans les sentiments sachez ce qui se passe.
Non, l’homme n’aime pas être ainsi ennuyé
Et ne supporte pas, qu’au nom de l’amitié,
Du moins d’une amitié véritable et sincère,
On vienne l’accabler de toutes ses misères
Et que de ses malheurs on fasse un long récit ;
Car lui-même sans doute a des problèmes aussi.
Si vous voulez garder des amis agréables,
Ne les assommez pas de discours déplorables !
Souriez au contraire, et dites « Tout va bien ! »
Vous direz que c’est faux, mais cela ne fait rien,
Mieux vaut mentir un peu que risquer de déplaire.
En votre âme allumez vos plus belles lumières,
Cachez au fond de vous amertume et chagrin ;
C’est difficile, mais montrez un front serein.
Toutes vos tristes plaintes, apprenez à les taire
Montrer ainsi votre force de caractère !
Alors autour de vous les choses changeront ;
Ceux qui vous évitaient tout à coup reviendront
Vous voir, vous entourer et, à votre surprise,
Ceux qui fuyaient hier aujourd’hui vous courtisent.
Maintenant vos amis enfin peuvent vous voir
Sans feindre tout à coup de changer de trottoir !
Oui, tous ils vous reviennent et chacun vous fait fête ;
Vous faites chaque jour de nouvelles conquêtes !
Votre fardeau bientôt vous paraît plus léger
Vous vous sentez plus fort, plus stable, encouragé
Pour affronter soucis, déceptions et épreuves.
Peut-être entamez-vous une vie toute neuve ?!
Et pour qu’aucun jamais ne veuille vous quitter,
Montrez, quoi qu’il en soit, toujours le bon côté ;
Soyez comme un jardin plein de fleurs printanières
Ou mieux comme un soleil qui offre sa lumière !
Arnaud Jonquet mars 2013