Le chêne
De loin on aperçoit son immense silhouette
Dominant la forêt et le riant vallon
Et jamais, grâce au ciel, le terrible aquilon
N’a pu jusqu’à présent lui faire baisser la tête.
Voici ce qu’on appelle un chêne séculaire.
Comme un guerrier vainqueur aurait au cours du temps
Repoussé loin de lui les autres combattants,
Il se dresse tout seul dans une vaste clairière
Et l’on voit tout autour, respectueuse orée,
Les arbres de ce bois à distance entourer
Ce chêne colossal, ce roi de la forêt
Dont la taille vraiment semble démesurée.
Il s’ancre dans le sol par des racines torses,
Tellement enlacées que l’on dirait, rampant,
Les circonvolutions d’un gros nœud de serpents.
Dans cet arbre géant, tout exprime la force :
Son tronc puissant ressemble à une tour énorme
Que même ne pourraient embrasser dix enfants,
Son écorce la peau d’un rugueux éléphant,
Pleine de trous, de rides et de bosses difformes.
De ce pilier géant, donjon de citadelle,
Faisant aux cieux d’azur un orgueilleux assaut,
De grosses et longues branches en prodigieux faisceau
Forment un entrelacs d’ogives irréelles.
Les regards se perdent dans l’immense charpente
Que recouvre là-haut l’énorme frondaison
Et cent pieds de hauteur séparent le gazon
Des plus hautes ramées où le rossignol chante.
Dans ses grands bras puissants, le géant patriarche
Abrite et protège tout un monde vivant
Du soleil ou des pluies, des orages et des vents
Comme le fit Noé jadis au sein de l’arche.
D’ innombrables oiseaux nichent dans ses ramures
Et offrent le bouquet de leurs multiples chants
Des pastels de l’aube jusqu’à l’or du couchant
Et au clair de lune lorsque la nuit est pure.
Pics-verts, chouettes et hiboux, en cherchant un asile,
De ses branches et son tronc se disputent les trous
Ainsi que des nichées de vifs écureuils roux
Qui parcourent son tronc en quelques bonds agiles.
En bas, plus près du sol, grimpant aux basses branches,
Combien d’enfants hardis jouèrent à Robinson
Mêlant leurs cris joyeux aux gais chants des pinçons,
Et combien d’amoureux sont venus le dimanche
Murmurer des aveux sous son ombre propice
Et graver au couteau des serments sur son tronc.
Combien sur son écorce ont appuyé leur front
Cherchant à y puiser sa force créatrice.
Combien as-tu connu, toi l’arbre gigantesque,
– Silencieux témoin de tant de générations,
Du flux et du reflux des civilisations,
Qui pourrais raconter de l’Histoire la fresque-,
Combien as-tu connu de rêveurs, de poètes,
De penseurs dont tu fus le muet confident,
Entendu de soupirs, de pleurs, de mots ardents,
De questions murmurées par des âmes inquiètes ?
L’homme sous tes rameaux recherche la sagesse ;
Il nous vient à l’esprit l’exemple de ce roi
Qui rendait la justice à l’ombre de tes bois.
On s’approche de toi ainsi que d’une altesse.
Ton feuillage dessine un magnifique dôme
Empreint de majesté et d’auguste grandeur.
Ton port, ô vénérable, est celui d’un seigneur
Qui contemple de loin son immense royaume.
Parmi les images nobles et solennelles
Qu’offre la nature sous la voûte des cieux,
Ton spectacle toujours nous rapproche de Dieu
Car il est un reflet de Sa force éternelle.
Arnaud Jonquet novembre 2007