Notre bon Nastradine, étant d’humeur pensive,
Le long d’un fleuve calme allait se promenant
Lorsqu’un grand brouhaha qui venait de la rive
Attira l’attention de cet homme éminent.
Il s’approche, curieux de voir ce qu’il se passe,
Voit un malheureux homme se débattant dans l’eau.
Il ne sait pas nager, appelle et boit la tasse,
Risquant à tout moment de sombrer dans les flots.
Sur la berge un groupe vocifère et s’agite,
Et se penche sur l’eau pour lui porter secours
Affolés, certains crient : « Donne-nous la main, vite ! »
Mais l’homme à ces appels reste étonnamment sourd.
Le sage Nastradine en descendant vers l’onde
Disperse les badauds avec autorité :
« Arrêtez de crier, poussez-vous tout le monde !
Je sais ce qu’il faut dire à cet homme entêté.
Et seul au bord de l’eau, notre sage s’approche,
Se penche, l’appelle, lui présente sa main,
Enfin l’infortuné au bras tendu s’accroche,
Est hissé sur la berge et puis sur le chemin.
Les premiers sauveteurs, ainsi qu’on l’imagine,
Devant ce prompt succès quelque peu ébahis,
Descendent interroger ce brave Nastradine,
Très curieux de savoir ce qu’il lui avait dit.
« Dans ce cas, voyez-vous, il faut quelque malice.
C’est un de mes voisins que je connais très bien ;
Gentil bonhomme mais d’une immense avarice
Et c’est pour cela qu’il ne donne jamais rien !
Alors pour le sauver il m’a suffi de dire :
Ecoute-moi, voisin, et prend vite mon bras !
En prononçant ce mot qui seul peut le séduire,
J’ai tout de suite pu le tirer d’embarras.
Et voilà mes amis ce qu’il nous faut apprendre
Conclut Nastradine sur un ton magistral,
Ne jamais rien donner mais toujours vouloir prendre
Peut être dangereux, voire même fatal ! »
Arnaud Jonquet mars 2016