Alors qu’ils croisaient au large de l’Hellespont,
La violence des vents qui soufflaient en typhon
Jetèrent les bateaux sur les côtes de Thrace.
Ulysse, qui craignait que les mats ne se cassent,
Sur la rive inconnue décida d’aborder
Puis avec une troupe, il voulut s’hasarder
Plus avant au sein de ces nouvelles contrées
A la recherche de quelques fraîches denrées.
On voyait, exposés aux traits d’or d’Apollon,
Des vignobles couvrant de multiples vallons
S’étalant tout autour d’une petite ville.
Ismaros en effet était un bourg tranquille
Produisant d’excellents et très capiteux vins.
Lorsqu’ils eurent goûté aux breuvages divins,
Tous les Grecs, éméchés, se livrèrent au pillage
Dérobant moult amphores emportées au mouillage.
Les habitants du lieu, Cicônes de leur nom,
Ne résistèrent guère aux hardis compagnons
Qui volaient sous leurs yeux ces boissons de délice.
Sur ses hommes enivrés, l’autorité d’Ulysse
Perdit de son effet ; de retour aux bateaux,
Il donna des ordres pour partir aussitôt
Craignant des Cicônes une action de vengeance
Mais les Grecs s’étant mis à boire en abondance,
Aucun des navires ne put être apprêté.
Et soudain, au milieu de leur ébriété,
Ils se trouvent assaillis par une armée immense
De Cicônes et d’alliés qui, d’une pluie de lances,
Créent parmi les rangs grecs de très nombreux trépas !
Soixante douze guerriers qui ne reverraient pas
Leur lointaine patrie ! Le reste prend la fuite
Et, tous craignant que la flotte ne soit détruite,
S’embarque en catastrophe à la grâce des Dieux.
Assombris par l’échec d’un combat peu glorieux,
Ulysse et ses amis vers le ponant reprennent
Leur grande traversée mais les vents se déchainent
Et les nefs se trouvent déroutées à nouveau.
Après avoir longtemps dérivé, les bateaux
Enfin peuvent accoster sur un nouveau rivage.
En choisissant parmi ses hommes les plus sages,
Le prudent Ulysse n’en désigne que trois
Pour mettre pied à terre et visiter l’endroit.
Obéissant aux ordres du fils de Laërte,
Ces trois hardis soldats partent à la découverte.
Les autres à bord s’emploient à tout entretenir
Mais deux jours se passant sans les voir revenir,
Ulysse, inquiet, débarque avec des volontaires
Pour s’enquérir du sort de ses trois émissaires.
Il les retrouve au sein d’une population,
Les Lotophages, étrange civilisation,
Qui mangeaient du lotos1 , une curieuse plante
Vous procurant l’oubli. Cette pousse enivrante
Avait été goûtée par les trois envoyés
Lesquels, apparemment, avaient tout oublié ;
Non seulement leur nom, leur pays de naissance,
Mais aussi leur mission et faisaient résistance
Car ils voulaient rester dans ce pays charmant !
Le groupe les ramène et, sans ménagement,
Fermement les attache aux bancs de leurs navires
Qui quittent la côte pour éviter le pire,
Ulysse redoutant que tous ses compagnons,
Venant à oublier eux aussi leur mission,
Mettent soudain un terme à leur glorieux voyage
Et ne revoient jamais d’Ithaque le rivage.
à suivre
1 Peut-être du lotus (?)
L’odyssée continue et c’est un régal pour les oreilles intérieures (car les vers chantent) de redécouvrir l’histoire d’Ulysse dont j’avais oublié ces deux premières séquences. J’étais bien jeune, il faut dire, quand j’ai étudié l’Odyssée à l’école (en 6eme il me semble). Merci pour ces cadeaux successifs Arnaud.