C’était à la montagne…
C’était à la montagne, un très beau soir d’été.
Avec quelques amis nous venions de goûter
A la beauté du lieu, au spectacle grandiose
Des sommets enneigés dont le blanc devient rose
Quand le soleil décline et s’empourpre au couchant.
Une brise apportait un frais parfum des champs.
L’éclat vif des glaciers contrastait avec l’ombre
Montant comme une mer de cette vallée sombre
Et nos yeux admiraient sans jamais se lasser
Les tours et les remparts de ces palais glacés.
Nous écoutions alors – ô comble d’harmonie ! –
De Dvorak l’immense neuvième symphonie
Dont les glorieux accents, le panache et l’ardeur
Soulignaient de la vue l’indicible grandeur.
Chef-d’œuvre composé en vue du nouveau monde,
Puissant hymne à la vie qui chaque fois inonde
Et mon âme de joie et de larmes mes yeux.
Dans la totale paix qui descendait des cieux,
Nous restions recueillis dans un profond silence
Et nos regards perdus dans la montagne immense,
Muette communion. A la faveur du soir,
Des couples se formaient semblait-il dans le noir
Et leurs silhouettes, sombres devant les cimes,
Se fondaient pour une rêverie plus intime.
Nous étions, voyez-vous, encore adolescents,
Tous les sens en éveil et nos cœurs frémissants,
Frappés par la beauté de ces moments magiques,
En percevaient aussi tout l’appel romantique.
Les premières lueurs brillaient au firmament.
Tout ceci s’était fait je ne sais plus comment,
La nuit était si belle et si douce l’ambiance,
Dans l’ombre j’ai senti une calme présence,
Une jeune fille se tenait près de moi,
Élégante et digne mais non pas sans émoi.
Elle semblait regarder là-bas au loin les roches
Mais de sa main serrait la mienne dans ma poche
Qui de nous avait fait ce geste audacieux ?
Je ne sais. J’admirais son profil gracieux,
Couronné des glaciers comme un nimbe limpide.
Nous étions silencieux ; tous les deux si timides
Craignant surtout qu’un geste ou qu’un mot malheureux
Rompre le charme de cet instant précieux.
Des rocs parfois roulaient au fond des précipices.
Nous sommes restés là, dans cette ombre propice,
Sagement, sans bouger et sans faire aucun bruit
Sous la voûte étoilée une partie de la nuit.
Ô vous, doux sentiments que la vie nous procure,
Amours de jeunesse, timides aventures,
Nous gardons en nos cœurs vos candides émois
Et pensons tendrement à ce temps d’autrefois.
Arnaud Jonquet février 2009