L’homme en fuite

meditation

« Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. »              Blaise Pascal

N’ayant guère cherché, en son temps de jeunesse,
A percer de la vie le mystère profond,
Comprendre qui nous sommes et vers quoi nous allons,
L’homme de notre temps, insouciance ou paresse,
 
S’est vite résigné et décidément laisse
Cette question aux soins d’érudits poussiéreux,
Prêtres et philosophes, penseurs et songe-creux,
Et autres illuminés en quête de sagesse.
 
Mais lui, pendant ce temps, à corps perdu, s’empresse
De rechercher d’abord, ce qui lui semble urgent,
Les plaisirs de la vie, le pouvoir et l’argent,
Et toutes « distractions » qui procurent l’ivresse.
 
Être occupé toujours de mille affaires qui pressent,
Mettre en avant le « j’ai » pour mieux fuir le « je suis »,
Ne jamais rester seul, se plonger dans le bruit,
La gesticulation, s’étourdir de vitesse,
 
Notre contemporain, et c’est là sa faiblesse,
Renonce en quelque sorte à « être » simplement,
Et, se fuyant lui-même, il doit à tout moment
Des autres être entouré car il faut qu’il paraisse !
 
Ce chant des sirènes plein de fausses promesses,
Du centre, de son moi, l’éloigne constamment
Vers la périphérie, riche d’égarements,
Nouvelles sensations qui l’attirent sans cesse.
 
L’homme en fuite a déjà accompli des prouesses
En posant sur la lune un pied de conquérant ;
Voilà qu’il vise mars, objectif délirant,
Pour rechercher, dit-il, de nouvelles richesses.
 
Il pourrait bien aller, de toute sa hardiesse,
Au bout de l’univers, obstiné voyageur,
Qu’il ne trouverait pas la paix ni le bonheur
Cachés dans son âme que toujours il délaisse.
 
C’est là qu’on trouvera remède à la détresse :
Seuls Amour et Sagesse sont les souverains biens
Et la fuite en avant ne résout jamais rien,
C’est un adage que tous les sages professent.
 
 
                Arnaud Jonquet  février 2016